Les mesures d’intégration et le regroupement familial des étrangers, précisions utiles de la Cour de justice dans les affaires K. et A.

par Joanna Pétin, CDRE

Le regroupement familial est l’une des principales voies de migration légale vers l’UE. Les données collectées par Eurostat en attestent. À titre indicatif, pour l’année 2013, 670 666 permis de séjour ont été octroyés pour raisons liées à la famille, ce qui place la migration pour motifs familiaux au 1e rang, devant la migration aux fins d’activités rémunérées (535 596) ou d’éducation (464 281). Le regroupement familial au sein de l’UE est régi par différents instruments, tels que la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, mais également par la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relatif au droit au regroupement familial.

Cette dernière directive est au cœur de l’affaire K. et A. (C-153/14) tranchée par la CJUE le 9 juillet dernier, et posant notamment la question épineuse  des mesures d’intégration qui peuvent être opposées aux candidats à l’immigration. Lire la suite

Quand le Conseil d’État feint l’ignorance… L’ordonnance en référé du 29 juin 2015 relative aux contrôles réalisés dans la zone frontalière franco-italienne

par Géraldine Bachoué, CDRE

Depuis quelques semaines, les forces de l’ordre effectuent de nombreux contrôles d’identité et de titres de séjour dans le département des Alpes-Maritimes. Ces contrôles n’ont pas lieu qu’à la frontière, mais également dans certaines villes à l’intérieur du territoire français ou dans les trains en provenance d’Italie. Des associations de défense et quatre migrants ont saisi le Conseil d’État d’un référé-liberté, soutenant que cette recrudescence des contrôles revenait à rétablir un contrôle systématique à la frontière, ce qui serait contraire aux règles européennes.

Plus précisément, la requête avait pour objet de faire cesser les atteintes aux libertés fondamentales résultant de la décision non publiée du ministre de l’intérieur, révélée par l’existence, depuis le 11 juin 2015, d’une part de contrôles frontaliers permanents à des points fixes de la frontière franco-italienne ciblant de manière discriminatoire les seuls migrants et d’autre part de contrôles d’identité systématiques dans les trains en provenance de cette zone ciblant au faciès les mêmes populations. Lire la suite

Les rapports droit européen – droit international lus à travers le prisme de la contrainte (retour sur l’affaire « Brevet européen à effet unitaire »)

par Jean-sylvestre Bergé, EDIEC

Le cas sous commentaire (CJUE, 5 mai 2015, C-146/13, Espagne c. Parlement et Conseil) intéresse les rapports entre le droit de l’UE et un texte de droit international formellement étranger au système juridique européen. Qu’il s’agisse, en effet, de la convention de Munich de 1973 sur la délivrance du brevet européen (CBE), de l’accord de 2013 relatif à la juridiction unifiée du brevet (JUB), aucun de ces instruments n’a été approuvé par l’UE. Plus encore, seul l’un d’entre eux (convention sur le brevet européen) a été ratifié par l’ensemble des Etats membres de l’UE.

Dans cette affaire, la question s’est, cependant, posée des rapports entre ces textes internationaux et le système juridique de l’UE. La Cour de justice va conclure que le droit formellement international est dissociable d’un acte de droit dérivé européen (un règlement UE) dont la légalité était contestée. Cette solution reflète une réalité d’interaction droit international – droit européen que l’on se propose ici d’expliciter par le prisme de la contrainte (de droit matériel) . Lire la suite

Agenda européen pour les migrations et protection des réfugiés : « l’Europe n’est pas à la hauteur »

par Henri Labayle, CDRE

Ces fortes paroles du président de la Commission, à l’issue du Conseil européen des 25 et 26 juin, sont un reflet exact de la situation. La déception qu’elles traduisent est à la mesure du geste politique accompli par le chef de l’exécutif. Il convient de lui en rendre justice.

La tiédeur des conclusions adoptées par les chefs d’Etat et de gouvernement est en effet symptomatique d’une Europe se berçant de mots, incapable de respecter les valeurs dont elle se réclame. En bref, en pleine crise d’identité comme de projet. Incapables de s’accorder sur un accueil obligatoire des demandeurs de protection (1), les Etats membres se sont satisfaits du simple principe de cet accueil (2).

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European Agenda on migration and protection of refugees; “Europe is not equal to the task”

By Henri Labayle, CDRE

These strong words stated by the President of the Commission at the close of the European Council Summit mirror the situation perfectly. The disappointment they translate is matched by the political gesture carried out by the chief of the Executive. It is only fitting that he is done justice.

The tepidity of the conclusions adopted by the heads of state and government is in fact symptomatic of a Europe which is deluding itself with words and is incapable of respecting the very values it lays claim to. In short, Europe is in the midst of both an identity crisis and a direction crisis. As they are incapable of coming to an agreement on compulsory reception of applicants for persons seeking protection (1), the member states have merely complacently assented to the basic principle of this reception (2). Lire la suite