Le rapport du Parlement européen sur la réforme du système Dublin : une proposition audacieuse mais pragmatique ?

Un nouveau chapitre est en train de s’écrire dans l’histoire mouvementée du partage des responsabilités en matière d’asile entre les Etats membres. Le système Dublin, déclaré mort (précipitamment) au sommet de la crise de 2015, a été (tardivement) jugé inadéquat par une large palette d’acteurs, y compris par la Commission et le Parlement. Une réforme fondamentale a par conséquent été mise à l’agenda en urgence.

Pourtant, la proposition de la Commission de mai 2016 (examinée précédemment sur ce blog) n’a proposé aucune réforme fondamentale du système. Au contraire, la proposition a conservé tous les éléments structurels qui vouaient le système à l’échec : son mépris pour les besoins, les souhaits et la situation personnelle des demandeurs d’asile ; ses effets de « loterie de l’asile » ; son injustice à l’encontre d’un petit nombre d’Etats membres – les Etats frontières et de « première demande » ; sa confiance naïve en la volonté des Etats membre à coopérer pour le partage des responsabilités ; et ses lourdeurs administratives relatives au partage des responsabilités. En somme, la proposition « Dublin IV » a aggravé les défauts du système en accentuant son caractère coercitif et ses effets de répartition asymétriques, tout en y attachant un irréalisable « mécanisme correcteur » (voir une étude commandée par le Parlement européen ainsi qu’une autre).

La proposition n’a pas reçu un bon accueil de la part des commentateurs. Steve Peers, par exemple, a comparé la proposition à une tentative improbable de faire voler un cochon et a parlé de « l’orbanisation du droit d’asile de l’UE » à cette occasion. Le Conseil et le Parlement également n’ont pas été très enthousiastes. Alors que le Conseil est toujours bloqué par des désaccords internes, le Parlement européen a adopté, comme cadre pour les négociations interinstitutionnelles à venir, un document très critique vis-à-vis de la proposition de Règlement « Dublin IV » : le « rapport Wikström ».

Ce rapport se veut une « proposition audacieuse mais pragmatique ». Il a pour but une « réforme fondamentale et structurelle » du système de Dublin aboutissant à un système « qui fonctionnera dans la pratique […] aussi bien en période de flux migratoires normaux qu’en temps de crise ». Audacieux, sans aucun doute : il s’agit de la proposition officielle la plus audacieuse jamais présentée concernant la réforme du système de Dublin. Bien que la proposition conserve des éléments importants de la Proposition de Règlement « Dublin IV » de la Commission, tels que l’aversion envers les « mouvements secondaires » des demandeurs d’asile, elle remplace l’approche de la Commission basée sur les sanctions par une approche fondée sur l’incitation, c’est-à-dire une série de réformes destinées à inciter « tant les Etats membres que les demandeurs […] à se conformer aux règles ».

Une analyse exhaustive du rapport, incluant une analyse complète des droits humains, dépasserait les limites de ce billet de blog. Nous nous consacrerons plutôt au modèle de partage des responsabilités prévu dans le rapport, qui constitue son élément le plus novateur. Examinons s’il est effectivement capable de « fonctionner dans la pratique », comme le prétend le rapport.

1.  Un modèle de partage des responsabilités fondé sur les incitations

a.  La réforme des critères Dublin

La réforme des critères Dublin est un élément important de la stratégie adoptée par le rapport. Toute la hiérarchie des critères est canalisée sur les « liens réels » que les demandeurs pourraient entretenir avec certains Etats membres. Ainsi, les critères relatifs à la famille sont significativement élargis. Il en va de même pour les critères fondés sur la résidence antérieure dans un Etat membre et, peut-être de manière moins appropriée, sur la possession d’un visa. Un nouveau critère, basé sur le fait d’avoir suivi des études dans un Etat membre, est introduit. Une autre avancée est cruciale : le critère de l’entrée irrégulière est supprimé. Afin de faciliter l’attribution des demandeurs en fonction des critères réformés, une nouvelle « procédure légère » fondée sur leur application prima facie est introduite. Ceci devrait aider, en particulier, à sortir de l’impasse actuelle, qui a jusqu’à présent rendu insignifiants les critères relatifs à la famille.

La logique inhérente à ces amendements est d’encourager les personnes à déposer une demande dans le premier Etat membre où ils arrivent : ils (devraient) mettre fin à la perspective d’être « bloqué » dans le premier port d’entrée et accroître la perspective d’être transféré vers une destination souhaitée. Dans la même logique, les demandeurs sont en droit de demander l’application des clauses discrétionnaires. Par ailleurs, des « organisations-sponsor » peuvent demander l’admission d’un demandeur – avec son consentement – dans l’Etat membre où elles sont basées. Cependant, les Etats membres sont libres de rejeter ou même d’ignorer de telles requêtes. Les expériences passées suggèrent qu’ils vont en majorité agir de la sorte.

La réforme de la règle qui s’applique par défaut lorsqu’aucun des critères décrits plus haut n’est applicable est un amendement ambitieux supplémentaire à la hiérarchie des critères. Cette « règle par défaut » est un élément essentiel du système : les critères ont jusqu’ici été appliqués dans une proportion minime de cas et les critères élargis de « liens réels » auront de même probablement peu d’impact statistiquement parlant. Par conséquent, la « règle par défaut » est potentiellement celle qui s’appliquera dans la majorité des cas. En l’état actuel du droit, l’Etat où la première demande a été déposée, est responsable. Afin d’éliminer les incitations que cela peut créer pour les demandeurs de continuer à voyager jusqu’à leur destination préférée, et afin de promouvoir un partage des responsabilités plus juste entre les Etats membres, le « rapport Wikström » remplacerait cette règle par l’attribution automatique de la responsabilité à/aux Etat(s) « supportant les moins lourdes charges ».

b.  Le mécanisme permanent de relocalisation

En devenant la règle par défaut, le mécanisme correcteur de relocalisation devient une caractéristique du système et non un mécanisme de crise comme il était prévu par la Proposition de la Commission. En plus de son caractère permanent, le mécanisme élaboré par le Parlement européen se distingue de celui proposé par la Commission de deux façons.

D’abord, la procédure est significativement simplifiée. Alors que la proposition de la Commission exigeait que « l’Etat d’attribution » réalise une procédure Dublin supplémentaire après le transfert, cette composante est ici absente : à la suite d’une « vérification de sécurité », une fois qu’un Etat est désigné comme « Etat d’attribution », il devra accepter le demandeur et examiner directement sa demande. Dans le but d’accroître l’efficience du mécanisme, le rapport propose par ailleurs que la (future) Agence de l’UE pour l’asile soit chargée de l’exécution des transferts. Cependant, le rapport ne clarifie pas où l’Agence de l’UE pour l’asile puiserait les ressources nécessaires à sa tâche, ni de quelle autorité elle conduirait les aspects coercitifs de sa tâche, ni quelle Cour recevrait les inévitables recours contre ses actes.

Ensuite, sur le plan matériel, le mécanisme d’attribution incorpore deux nouveaux éléments destinés à favoriser l’acceptation et la coopération du côté des demandeurs :

  • Premièrement, un élément de choix est introduit dans le processus d’attribution : l’Etat procédant à la détermination doit établir une liste des quatre Etats membres ayant le nombre de demandeurs le moins élevé au moment de la demande et un court délai doit être attribué au demandeur afin qu’il choisisse entre ces quatre Etats. En guise de « sanction », ce choix serait refusé aux demandeurs qui entrent dans l’Union de façon irrégulière sans déposer de demande dans l’Etat d’entrée, ainsi qu’aux demandeurs transférés sur la base d’une « procédure légère » quand il en ressort que l’application prima facie des critères était erronée.
  • Deuxièmement, les demandeurs sont autorisés à s’enregistrer en tant que groupes d’au maximum 30 personnes. Les membres d’une famille et les proches doivent être « attribués » ensemble en toutes circonstances. Les autres demandeurs doivent être attribués ensemble « dans la mesure du possible ».

Certains de ces points sont critiquables, comme par exemple l’idée de sanctionner les demandeurs quand la « procédure légère » a des ratées indépendamment d’une faute de leur part. D’autres sont des gestes symboliques : la pratique Dublin antérieure montre sans équivoque que les garanties accordées « dans la mesure du possible » sont destinées à rester lettre morte.

Conceptuellement, toutefois, l’idée de donner un choix aux demandeurs concernant leur destination (et leurs accompagnants) est tout simplement révolutionnaire, et brise finalement le tabou qui a jusqu’à présent régné de manière incontestée dans le « discours Dublin ». Néanmoins, restreindre le choix des demandeurs à quatre Etats – probablement aucun n’étant une de leurs « destinations préférées » – semble être une manière infaillible de priver cette réforme audacieuse des effets voulus. En effet, si l’objectif est de promouvoir l’acceptabilité tout en assurant en même temps une distribution équitable, pourquoi ne pas donner le choix aux demandeurs entre tous les Etats membres qui se trouvent sous le quota au moment de la demande ?

c.  De nouvelles incitations pour les Etats membres

Le « rapport Wikström » aspire également à inciter les autres acteurs – les Etats membres – à se conformer aux règles. Plus spécifiquement, il vise à assurer que l’Etat frontière/l’Etat où la première demande est déposée (« Etat de la première demande ») accomplit son rôle de « gardien » correctement. A cette fin, plusieurs mesures sont mises en place :

  • La suppression du critère de l’entrée irrégulière et de la règle par défaut attribuant la responsabilité en fonction du lieu de la première demande devrait certainement éliminer le puissant effet de dissuasion à identifier les migrants et enregistrer les demandes de ceux qui recherchent une protection internationale ;
  • Similairement à la (très contestée) « pré-procédure » de la proposition de règlement Dublin IV, le rapport prévoit un « filtre » selon lequel les Etats de la première demande devront assumer la responsabilité pour les demandeurs posant problème sous l’angle de la sécurité ou qui « ont manifestement peu de chances de remplir les conditions leur permettant de bénéficier d’une protection internationale ». Toutefois, un effort est fait pour mieux cibler le filtre, afin d’éviter de trop lourdes charges pour les Etats de la première demande. Par conséquent, au lieu de leur attribuer tous les « cas relatifs à des pays sûrs » comme le fait la proposition de la Commission, le nouveau filtre s’appliquerait seulement quand : (a) aucun lien familial et de dépendance ne détermine la responsabilité, (b) aucune question pertinente pour une protection n’a été soulevée par le demandeur, et (c) il n’y a pas d’autres indications qu’il ou elle pourrait bénéficier d’une protection.
  • Le rapport place à la charge du budget de l’UE divers frais qui sont actuellement supportés par l’Etat de la première demande, c’est-à-dire les frais engendrés par l’accueil et les transferts dans la procédure Dublin, ou encore les frais d’accueil pour les demandeurs qui ont « manifestement peu de chances » de bénéficier d’une protection internationale. Il s’agit de coûts engendrés par la fourniture de « services publics » à l’UE dans son ensemble, ainsi la logique de la réforme est judicieuse. Etonnamment, cependant, les autres frais liés au « service public » restent à la charge de l’Etat de la première demande (par exemple les frais d’accueil pour les demandeurs posant problème sous l’angle de la sécurité, ainsi que les frais de traitement pour les procédures Dublin et pour les demandes restant à charge de l’Etat de la première demande en vertu du « filtre »).
  • De même que la « carotte », le rapport prévoit également le « bâton » : les Etats membres qui refusent d’enregistrer les nouveaux arrivants et déclinent le soutien de l’UE, seront « exclus » du mécanise d’attribution. Puisque l’attribution est la « règle par défaut » dans le système prévu par le rapport, ce qui arriverait aux demandeurs pour qui le critère du « lien réel » ne s’applique pas reste totalement flou. En effet, il semble qu’on a peu réfléchi aux conséquences. Vraisemblablement, les demandeurs seraient laissés dans une situation incertaine et l’Etat « défaillant » pourrait être davantage encouragé à les laisser passer.

Bien sûr, au-delà de ces incitations (et de ces mesures dissuasives), les Etats frontières et de la première demande joueraient le jeu seulement s’ils font confiance au mécanisme d’attribution, tout particulièrement en temps de crise. Le transfert rapide des arrivants et des demandeurs enregistrés serait, en fait, leur seule assurance contre le risque d’être rapidement surchargés par les responsabilités relatives à l’accueil de « première ligne ». Dans ce contexte, le rapport suggère d’introduire des mesures dissuasives – sous la forme d’un accès et d’une utilisation restreinte des fonds de l’UE – également pour les Etats membres refusant de coopérer, comme les Etats Višegrad l’ont fait dans le cadre des programmes de relocalisation de 2015. Il est difficile à dire si de telles mesures dissuasives seront suffisantes.

Si le système d’attribution devait ne pas fonctionner pour cette raison ou d’autres raisons, le système s’effondrerait rapidement car les « gardiens » seraient progressivement poussés à la défection et à « laisser passer » les demandeurs. Le mécanisme d’attribution peut-il donc fonctionner dans la pratique ?

2.  Un système qui « fonctionnera dans la pratique » ?

Quelle que soit l’importance de la protection renforcée pour la famille et les autres liens « réels », l’élément révolutionnaire du rapport est l’attribution automatique basée sur des quotas dès que les critères de « liens réels » ne s’appliquent pas. Cette innovation devrait fondamentalement changer le système : d’un système essentiellement basé sur la « responsabilité » (pour l’entrée) à un système essentiellement fondé sur la « solidarité ». Les gains en termes d’équité distributive entre les Etats membres seraient (théoriquement) considérables, pendant que l’expansion des critères relatifs aux « liens réels » rendrait également le système plus juste pour les demandeurs. Cependant, le système s’avérerait probablement trop dépendant de l’exécution d’un nombre élevé de transferts pour être effectivement applicable.

Dans le système actuel, les transferts sont rares. Le plus souvent, le manque de preuve établie désignant un critère de responsabilité laisse la responsabilité auprès de l’Etat où la demande a été déposée. Sinon, les délais pour les demandes Dublin ou les transferts sont dépassés et la responsabilité est transférée à l’Etat où le demandeur se trouve. Même ainsi, les Etats membres ont été invariablement incapables de mettre en œuvre près de deux tiers des transferts approuvés – tout comme ils ont été incapables de mettre en œuvre la plupart des « relocalisations » qui ont été approuvées dans le cadre des programmes de 2015.

Dans le système élaboré par le rapport « Wikström », le nombre de transferts à mettre en œuvre augmenterait de manière significative : l’attribution à un autre Etat deviendrait la « règle par défaut » et la transfert de responsabilité à l’Etat où se trouve le demandeur en raison du dépassement des délais serait éliminé dans la plupart des cas. Sans une augmentation massive (et donc hautement improbable) des capacités pour les transferts, les situations où les demandeurs sont dans une position incertaine se multiplieraient et ne pourraient être « résolues » que par une application à grande échelle de la clause de souveraineté. Ceci, à son tour, aurait un impact considérable sur l’objectif énoncé de partage équitable.

Ces considérations semblent d’autant plus valables puisque dans le cadre du « rapport Wikström », la plupart des transferts devraient probablement toujours être mis en œuvre sans le consentement des demandeurs. En effet, les critères relatifs aux « liens réels » s’appliqueraient probablement dans une minorité de cas et les « incitations » positives à coopérer avec le système d’attribution basé sur les quotas semble insuffisant (on a déjà mentionné, par exemple, le choix limité entre les quatre Etats supportant les moins lourdes charges ou encore l’attribution par groupe « dans la mesure du possible »). Parallèlement, les vastes disparités existant entre les Etats membres – disparités relatives aux standards d’accueil et de protection, aux opportunités économiques, etc. – rendraient l’attribution involontaire injuste pour les demandeurs, et l’évitement du système resterait une solution souvent attrayante.

De même, il est loin d’être certain que le système d’incitations et de dissuasions élaboré pour assurer la coopération des Etats membres serait efficace. D’une part, l’Etat de la première demande devrait toujours prendre en charge des frais considérables ainsi que tous les risques liés à l’exécution ou à la non-exécution des décisions d’attribution. D’autre part, les Etats d’attribution auraient toujours une incitation évidente à ne pas coopérer et, comme nous l’avons déjà noté, nous pouvons douter que la menace de réduire l’accès aux fonds de l’UE soit suffisante pour les contrebalancer.

Probablement incapable d’assurer la coopération des demandeurs et des Etats membres dans la majorité des cas, le système devrait recourir à la contrainte et à de lourdes procédures administratives et ce, à travers une augmentation considérable des capacités financières et administratives. Ceci semble être l’aspect le moins bien réfléchi du « rapport Wikström » (et de la proposition de la Commission). Les deux semblent partir du principe que les transferts involontaires à grande échelle vont de toute évidence fonctionner, sans prêter aucune attention aux preuves contraires accumulées dans le cadre du système Dublin et du programme de relocalisation. Par ailleurs, ni le « rapport Wikström », ni la proposition de la Commission, ne justifie l’augmentation massive des ressources et du temps qui devraient être affectés à la tâche accessoire d’attribuer la responsabilité et de la faire respecter. Ces ressources seraient soustraites aux fonctions clé du RAEC, c’est-à-dire offrir un accueil décent et examiner de manière efficace les demandes de protection.

Finalement, aucun de ces deux documents n’apporte de réponse crédible à la question de savoir comment un accroissement considérable de l’efficience des transferts est censé se faire. La solution du transfert des responsabilités à l’Agence de l’UE pour l’asile, à peine esquissée, semble uniquement déplacer le problème et fait l’impasse sur la difficulté majeure : « déplacer » un large nombre de personnes contre leur volonté, tout en respectant leurs droits fondamentaux, est en soi un défi colossal et très probablement irréalisable.

Tous ces facteurs contribuent à un système qui ne fonctionnera vraisemblablement pas dans la pratique et qui produira probablement une proportion significative de situations incertaines et de mouvements secondaires.

Conclusions

Globalement, le « rapport Wikström » esquisse un nouveau modèle pour le système Dublin. C’est un pas dans la bonne direction, dans la mesure où il tente de mieux prendre en compte les « liens réels » qui lient les demandeurs aux Etats, et accorde même aux demandeurs un élément de choix quant à leur destination. Il constitue également une tentative de passer d’une distribution injuste « par défaut » à un système qui devrait théoriquement mener à une distribution plus équitable des tâches et des finances entre les Etats membres. Ainsi, il s’agit d’un signal clair contre d’une part le modèle de la « réponse d’urgence » de la proposition de la Commission et d’autre part le modèle de « non-distribution » des Etats qui promeut une « solidarité flexible ».

Malheureusement, le rapport ne va pas assez loin dans ses efforts pour rallier la coopération des demandeurs, tout en laissant des coûts et risques significatifs à la charge des quelques pays « de première arrivée » ou constituant des « destinations préférées », qui sont censés enregistrer les demandeurs de protection internationale. Une autre faiblesse importante réside dans le nombre élevé de transferts (principalement involontaires) ainsi générés : probablement irréalisables et, même s’ils sont réalisables, destinés à absorber une quantité injustifiable de ressources financières et administratives.

Ceci dit, le « rapport Wikström » ne marque pas le point final. Les négociations concernant le nouveau paquet de réformes de l’asile semblent en grande partie bloquées par la paralysie du Conseil qui a suivi la proposition de la Commission de 2016. En effet, la feuille de route de la Commission du 7 décembre 2017 montre la portée du désaccord plus qu’il ne donne de directions quant à l’échéancier. Par conséquent, il reste à voir si, et dans quelle mesure, le rapport du Parlement européen aura une influence sur la future configuration du partage des responsabilités.

Nous pouvons peut-être espérer qu’une forte résistance contre le modèle d’attribution tel que proposé dans le rapport pourrait mener à son abandon et à l’accentuation des éléments pouvant réellement rendre le partage des responsabilités juste et efficace : (1) renoncer aux transferts forcés à grande échelle ; (2) baser l’attribution des responsabilités entièrement sur les liens réels et sur un système de relocalisations obligatoires pour les Etats mais volontaires pour les demandeurs; et (3) partager le financement et les capacités à une toute autre échelle. Si le « rapport Wikström » rendra cette transition possible, il aura en effet contribué à une « réforme fondamentale et structurelle » résultant à un système « qui fonctionnera dans la pratique ».