Obligations positives des Etats parties à la CEDH et séjour irrégulier : pour un meilleur usage de la subsidiarité juridictionnelle par la CEDH

par Henri Labayle, CDRE

Dans le climat politique entourant actuellement la Cour européenne des droits de l’Homme et la conception qu’elle se fait de sa fonction, l’arrêt de Grande Chambre rendu le 4 octobre 2014 dans l’affaire Jeunesse c Pays bas apporte un éclairage brutal aux divergences de points de vue que l’on sait.

Une banale affaire de respect des droits tirés de l’article 8 de la CEDH en matière de refus de titre de séjour est en effet l’occasion d’une opposition exprimée frontalement par trois juges, dont le juge britannique, dans leur opinion dissidente. Lire la suite

Questions pour les candidats aux postes de commissaires en charge de l’Espace de liberté, sécurité et justice

par Emilio de Capitani, Henri Labayle et Steve Peers, 

Les commissaires pressentis à la Justice et à l’immigration seront prochainement auditionnés par le Parlement européen, lequel sera amené à confirmer les choix de Jean Claude Juncker. Déjà, les députés ont posé des questions écrites auxquelles les candidats ont répondu, de façon assez générale aussi parce que les questions des commissions parlementaires n’étaient pas particulièrement pointues, sauf en matière de protection des données.

Cependant, les auditions sont l’occasion pour les députés de vérifier les dires des commissaires et d’obtenir des engagements politiques. A cette fin, nous souhaitons suggérer  un certain nombre d’interrogations aux   députés qui auront la chance de pouvoir poser des questions orales pendant les auditions. Lire la suite

La promotion des valeurs de l’Union et de la dignité des droits de l’étranger en situation irrégulière par son avocat général sera-t-elle entendue par la Cour de justice ?

par Joana Pétin, CDRE

La dignité de la personne humaine est sans doute « la quintessence des valeurs par lesquelles nous affirmons ensemble que nous sommes une seule communauté humaine » (P. Lambert, « Les droits de l’homme à l’épreuve du principe de la dignité humaine », in Mélanges en l’honneur du Professeur Petros J. Pararas, Les droits de l’homme en évolution, Bruylant, 2009, p.333-348).

L’Union européenne participe de cette affirmation. Le Traité de Lisbonne ayant procédé à la reconnaissance de la valeur juridique contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la dignité humaine est désormais placée au premier rang des valeurs fondatrices de l’Union. S’appuyant sur cette réalité juridique de façon remarquable, l’avocat général Yves Bot vient de proposer à la Cour de justice d’en tirer les conséquences, dans ses conclusions sur l’affaire Moussa Abdida rendues le 4 septembre dernier. Lire la suite

La nouvelle Commission Juncker et la JAI : que tout change pour que rien ne change ?

par Henri Labayle, CDRE

La composition de la nouvelle Commission a suscité nombre de commentaires dans les médias, souvent bienveillants sinon flatteurs. L’a priori favorable dont bénéficie son Président, Jean Claude Juncker, n’empêche pas de douter de leur bien-fondé en matière de Justice et d’affaires intérieures, à supposer d’ailleurs que ces commentaires se vérifient dans les autres domaines d’action de l’Union.

Après des discours encourageants semblant indiquer que les thèmes des valeurs de l’Union et de l’urgence migratoire avaient été pris en considération par le programme du candidat à la Présidence, le retour à la réalité est moins enthousiasmant. Sans procès d’intention, il faut se résoudre à penser que, non seulement le changement ici aussi n’est pas pour maintenant, mais qu’il n’est pas davantage dans l’esprit des dirigeants de l’Union. Lire la suite

La politique de retour des étrangers : quand le Conseil et la Cour de justice s’en saisissent.

par Marie Garcia, CDRE

Quelques semaines après la communication de la Commission relative au retour des étrangers, la réponse des ministres JAI vient faire écho au bilan tiré par cette dernière à l’égard de la politique de retour de l’UE et de la mise en œuvre de la directive 2008/115. Lire la suite

La saga du droit à un recours effectif de nouveau devant la CEDH : le droit espagnol des étrangers propice au refoulement des demandeurs de protection?

par Francisco Sanchez Rodriguez, CDRE

Dans l’arrêt A.C et autres c. Espagne, n°6528/11 rendu le 22 avril 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle qu’en matière d’éloignement du territoire, un recours dépourvu d’effet suspensif automatique ne répond pas aux conditions d’effectivité requises par l’article 13 de la Convention, et vient par voie de conséquence favoriser le refoulement arbitraire de l’étranger aux frontières du territoire où sa vie serait menacée.

En l’espèce, trente personnes d’origine sahraouie avaient participé au campement de protestation de Gdeim Izik au Sahara Occidental, pour dénoncer les conditions déplorables subies dans les territoires occupés par le Maroc. Après un violent démantèlement du camp par les forces de police, les requérants avaient décidé de rejoindre les îles Canaries, afin de déposer une demande d’asile auprès de l’Office de l’Asile et des Réfugiés. Après un rejet des trente demandes de protection internationale considérées comme contradictoires et insuffisantes, lesdits requérants formèrent deux  recours. Lire la suite

Le prochain Programme en matière JAI : quelle aptitude à relever les défis de l’Union ?

par Henri Labayle, Steve Peers et Emilio de Capitani

« Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». Ce constat de Sénèque s’applique justement aux orientations en passe de se dégager dans l’Union en matière JAI.

Soumises prochainement au Coreper, les représentants des Etats membres auprès de l’Union, les propositions relatives au successeur du Programme de Stockholm sont passablement décevantes, pour ne pas dire inquiétantes. Il est loin l’esprit de Tampere où les chefs d’Etat et de gouvernement avaient relevé le double défi d’anticiper la mutation des questions de sécurité intérieure et de garantir un fonctionnement équilibré des rouages de l’Union… Lire la suite

La mise en œuvre de la directive « retour » : analyses et critiques des centres de rétention en Italie, en Espagne et à Chypre

par Marie Garcia, CDRE

Une récente étude publiée en février 2014, relative à la mise en œuvre de la directive retour en Italie, à Chypre et en Espagne rappelle combien la question de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière demeure sensible. Le rapport « At the Limen », co-signé par diverses associations de défense des droits des étrangers (Andalucia Acoge, SOS Racismo, KISA, Borderline-Sicilia et Borederline-Europe) dresse un bilan mitigé de l’application des dispositions de la directive 2008/115/CE, au regard notamment de la rétention des migrants. Lire la suite

La reconduite à la frontière marocaine des migrants: les inquiétudes de l’Union européenne

par Francisco Sanchez Rodriguez, CDRE

6 février 2014, Plage de Tarajal, Ceuta : trois cents migrants d’origine subsaharienne ont tenté de rejoindre l’enclave autonome espagnole de Ceuta. Le bilan  humain est effroyable, la réaction des autorités très virulente : les uns réclament la démission du Ministre de l’Intérieur espagnol, d’autres l’engagement de la responsabilité internationale de l’Etat dans cette gestion catastrophique des frontières ayant engendré la mort et le refoulement de plusieurs exilés sous le regard complice du Maroc.

Le rapport de février 2014 de Human Rights Watch (HRW) n’est qu’une mise par écrit d’une pratique récurrente aux portes Sud de l’Union Européenne, les évènements du 6 février 2014 la plus triste illustration. L’Union Européenne quant à elle, ne peut plus occulter ou même minorer ces violations et devra selon HRW, revenir sur sa politique du retour et sur la légalité des accords de réadmission conclus ou sur le point d’être conclus avec le Royaume du Maroc.

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Approche globale de la question des migrations et de la mobilité dans l’Union : de la langue de bois à l’autosatisfaction

par Henri Labayle, CDRE

La publication récente du rapport de la Commission sur la mise en œuvre de l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM) (COM (2014) 96) permet de faire, dans une actualité chargée, un point utile sur la gestion des questions migratoires dans l’Union européenne.

Sa lecture laisse en effet le sentiment d’une action accomplie de l’Union, d’un équilibrage bienvenu des données des politiques migratoires entre leurs volets sécuritaire et humanitaire, d’une politique publique en plein essor.  L’observation quotidienne paraissait le démentir, pourtant. D’où provient alors ce sentiment curieux de décalage ? Lire la suite