Visas Schengen : quand la Cour précise les conditions dans lesquelles un Etat peut refuser leur octroi

par Rostane Mehdi, CERIC

Les Etats membres de l’Union délivrent chaque année plusieurs millions de visas « Schengen » de court séjour (Voir rapport de la Commission sur le fonctionnement de la coopération locale au titre de Schengen au cours des deux premières années de mise en œuvre du code des visas (COM 2012 648). Précieux viatique pour d’innombrables ressortissants d’Etats tiers, instrument au service d’une stratégie défensive, mécanisme permettant de canaliser les flux migratoires, les visas « Schengen » nourrissent espoirs et fantasmes.

Les conditions dans lesquelles ils sont accordés, ou refusés, restent, aux yeux de beaucoup (du moins à la périphérie de l’Union), nimbées d’un parfum d’arbitraire. C’est en cela que l’arrêt C 84/12 rendu le 19 décembre dans l’affaire Koushkaki c. RFA est intéressant car il donne à la Cour une occasion de préciser ce régime tel qu’il est défini par le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un Code communautaire des visas (ci-après code des visas). Lire la suite

La proposition de directive visant à faciliter l’exercice des droits des travailleurs européens migrants : circulez, il n’y a rien à voir ?

par Fabrice Riem, CDRE

Le 26 avril 2013, le commissaire en charge de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, Làszlo Andor, a présenté une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil « relative à des mesures facilitant l’exercice des droits conférés aux travailleurs dans le contexte de la libre circulation des travailleurs » (COM (2013) 236 final).

Que donne à voir ce texte ? A première vue, pas grand chose. Lire la suite

Le paquet législatif “Frontières intelligentes”, défense et illustration par la Commission d’un parfait oxymore : une Europe ouverte et sûre

par Sylvie Peyrou, CDRE Bayonne 

Faisant suite à sa Communication du 25 octobre 2011 relative aux « frontières intelligentes », la Commission européenne a présenté le 28 février dernier un paquet de mesures, visant à assurer une Europe « ouverte et sûre », comme elle l’indique dans un mémo publié à cette date, c’est-à-dire visant à faciliter les procédures d’entrée dans l’Union au niveau des frontières extérieures tout en améliorant la sécurité. Ce paquet de mesures prend la forme de deux propositions de règlement, l’un relatif à un programme d’enregistrement des voyageurs (Registered Traveller Programme, RTP), l’autre à un système entrée/sortie (Entry/Exit System, EES). Lire la suite

De l’applicabilité pour le moins déroutante de la directive Retour à un citoyen européen, CA Paris, ordonnance 23 février 2013, X. c. Préfet de l’Essonne

par Valérie Michel, CERIC

Le temps des esprits chagrins regrettant que le juge fasse montre d’une certaine résistance envers l’applicabilité du droit de l’Union relève d’une époque révolue. Mais sur cette question de l’applicabilité et de l’application du droit de l’Union, il semble qu’il y encore une certaine marge de progression possible. Lire la suite

Regroupement familial : attention aux “pièces rapportées”… Première interprétation par la CJUE des “autres membres de la familles” visés par la directive 2004/38

par Fabrice Riem, CDRE

Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, droit de nature constitutionnelle que la directive 2004/38 du 29 avril 2004 a codifié sans grandes difficultés. Les membres de la famille du citoyen de l’Union qui bénéficient de ces droits sont, aux termes de l’article 2 de la directive, prioritairement les conjoints, partenaires enregistrés et leurs ascendants ou descendants directs. Aux termes de l’article 3, §2, de la directive, l’Etat membre d’accueil doit cependant favoriser, « conformément à sa législation nationale, l’entrée et le séjour » de « tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité (…) si, dans le pays de provenance, il est à la charge ou fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal ».

L’une des questions préjudicielles posées à la Cour portait sur le sens à accorder au verbe « favoriser ». En l’espèce, M. Rahman, ressortissant bangladais, avait épousé une irlandaise travaillant au Royaume-Uni. Les époux invoquaient l’article 3 §2, de la directive pour faire valoir la situation du frère, du demi-frère et du cousin à charge du ressortissant bangladais. Lire la suite

Bridge over troubled waters : le bilan JAI de la présidence danoise de l’Union (suite et fin)

par Henri Labayle, CDRE

Un conflit majeur s’est cristallisé sous la présidence danoise, transformé progressivement en conflit de principe, celui de la gouvernance de Schengen. En préalable, il est bon de rappeler une évidence : le traité de Lisbonne n’a pas fait disparaître la volonté des Etats membres de conserver leur inspiration première, qui avait guidé les débuts de la coopération européenne en matière JAI, celle de Schengen.

Schengen, archétype de la méthode intergouvernementale, n’était donc pas soluble dans l’Union au seul prix d’un protocole permettant l’intégration de son acquis. C’était mal connaître les ressorts de la construction européenne que de l’imaginer, de ne pas comprendre que seule l’occasion manquait pour rappeler les limites de l’importation de Schengen dans le monde communautaire. Lire la suite

Les membres étrangers de la famille d’un citoyen de l’Union : enjeux et paradoxes d’une jurisprudence évolutive

par Nathalie Rubio, CERIC

Le 9 mai dernier, la Commission a lancé une Consultation publique sur les obstacles quotidiens auxquels les citoyens de l’Union sont confrontés dont les résultats feront l’objet d’un rapport qui sera publié en 2013, Année européenne du Citoyen. Il sera alors dressé un bilan des mesures adoptées depuis le premier rapport de 2010 sur la Citoyenneté (COM (2010) 603 final). Parmi les nombreuses difficultés relevées figurent celles posées par les droits des membres de la famille du citoyen ayant la nationalité d’un Etat tiers.

La Commission s’est donc engagée à  faciliter « la libre circulation des citoyens de l’Union et des membres de leur famille issus de pays tiers en veillant à la stricte application de la réglementation de l’UE, notamment dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en favorisant les bonnes pratiques, en améliorant la connaissance de la réglementation de l’UE sur le terrain et en renforçant la diffusion, aux citoyens de l’Union, d’informations sur leurs droits en matière de libre circulation » (p. 17). Lire la suite

Le chaînon manquant : quand la Cour de justice établit le lien entre citoyenneté de l’Union, sécurité publique et Espace de liberté

par Henri Labayle, CDRE

La Cour de justice a rendu un arrêt majeur, le 22 mai 2012 dans l’affaire C-348/09, P.I. c. Oberbürgermeisterin der Stadt Remscheid. Interrogée sur le sens à donner aux « raisons impérieuses de sécurité publique » qui permettent d’éloigner un citoyen de l’Union, la Cour de justice choisit de s’appuyer sur les domaines de criminalité particulièrement graves appelant une coopération pénale entre Etats membres dans le cadre de l’ELSJ.

Elle fait ainsi de l’article 83 TFUE un élément de référence pour les Etats membres, empêchant de réduire la sécurité publique aux « menaces pour la sécurité intérieure et extérieure de l’État, comprise comme la pérennité de l’État avec ses institutions et ses services publics essentiels, la survie de la population ainsi que les relations extérieures et la cohabitation pacifique des peuples ». Lire la suite

Acquisition de la nationalité de l’Etat membre d’accueil sans perte de la nationalité turque

par Valérie Michel, CERIC

La Cour que l’on sait soucieuse de distinguer le régime juridique applicable aux citoyens de l’Union de celui régissant les ressortissants turcs (CJUE, 8 déc. 2011, aff. C-371/08, Ziebell) s’attache toutefois à défendre les droits des travailleurs turcs et notamment le droit au regroupement familial.

La situation soumise à la Cour dans l’arrêt du 29 mars 2012, aff. jtes., C-7/10 et C-9/10, Tayfun Kahveci et Osman Inan est inédite : elle doit préciser l’incidence sur le bénéficiaire du regroupement familial auprès d’un travailleur turc, de l’acquisition, par ce travailleur, de la nationalité de l’Etat d’accueil sans perte de la nationalité turque. Lire la suite

Enfin, un Etat membre répond de ses manquements en matière migratoire devant la Cour de justice de l’Union

par Henri Labayle, CDRE

Triste constat : il aura fallu près de 13 ans, depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, pour voir la Cour de justice sanctionner sur le fond un Etat membre pour sa violation du droit commun de l’asile et de l’immigration.

Tout vient donc à point à qui sait attendre, la condamnation des Pays Bas dans l’arrêt rendu ce 26 avril dans l’affaire C-508/10 vient utilement rappeler à tous l’obligation de respecter la substance du droit européen et pas seulement l’obligation classique d’en transposer les dispositions en droit interne. Lire la suite