Perte de repère européen (suite mais pas fin… du brevet européen à effet unitaire)

par Jean-sylvestre Bergé, EDIEC
La Cour de justice a rendu le 5 mai dernier un arrêt attendu (CJUE, 5 mai 2015, aff. C-146/13, Espagne c. Parlement et Conseil), refusant d’invalider le Règlement (UE) n° 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet.
Cette solution marque une perte de repère européen.

Le règlement (UE) n ° 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet a défini un régime tout à fait particulier pour ce nouveau titre “européen” de propriété intellectuelle. Délivré par une organisation tierce à l’UE (Office européen de brevet de Munich), le titre ne voit pas son régime juridique défini par le règlement UE. Ce dernier se contente pour l’essentiel, en effet, de procéder à un double renvoi au droit national et international potentiellement applicable (articles 5, 7 et 18 du règlement qui renvoie au droit national notamment du pays du déposant, au traité international qui crée la juridiction unifiée du brevet et, naturellement, à la Convention de Munich, préc.).
C’est ce système que la Cour de justice a décidé d’avaliser dans la décision ci-dessus (voir sur ce thème, la polémique suscitée par l’instrument et signalée sur ce blog).
Il en résulte deux conséquences tout à fait singulières : le brevet européen à effet unitaire n’a d’européen (au sens “Union européenne”) que le nom dans la mesure où son régime juridique dépend fortement de sources qui ne prennent pas place dans le système juridique de l’UE ; deux brevets européens à effet unitaire n’auront pas nécessairement le même régime juridique selon le droit national et éventuellement international qui leur sera déclaré applicable.
Cette perte de repère “européen” engendre une complexité accrue que le juriste ne pourra maîtriser qu’au prix d’une très grande agilité à manier l’outil “brevet européen à effet unitaire” dans différents contextes nationaux, internationaux et européens.
Plus que jamais, il faut penser le droit européen dans différents contextes et la Cour de justice, qui voit radicalement sa fonction au singulier (référence étant faite ici notamment aux avis 1/09 et 2/13), va devoir plus que jamais manier le droit européen au pluriel, ce que – pour le coup – elle sait en général assez bien faire.
A suivre…