Escale à Canossa ? La protection des droits fondamentaux lors d’un transfert « Dublin » vue par la Cour de justice (C.K. c. Slovénie, C-578/16 PPU)

Le trajet conduisant de Luxembourg à Strasbourg est parfois moins direct qu’il n’y paraît, impliquant des retours en arrière imprévus mais salutaires. La Cour de justice en aurait-elle fait l’expérience, moins douloureusement certes qu’Henri IV devant Grégoire VII ?

L’arrêt rendu par sa cinquième chambre dans l’affaire C.K. c. Slovénie (C-578/16 PPU) le 16 février 2017 interroge de ce point de vue.

Questionnée par le juge suprême slovène quant à l’étendue du contrôle des conditions de déroulement d’un transfert Dublin vers un autre Etat membre, la Croatie, la Cour de justice était attendue avec curiosité. Elle était en effet assez clairement invitée par le juge national à se prononcer sur les implications de sa jurisprudence refusant, comme chacun le sait, que l’on s’intéresse de trop près aux conditions dans lesquelles les droits fondamentaux sont appliqués dans certains Etats de l’Union, ceci au nom de la confiance mutuelle. Sauf qu’en l’espèce, c’était moins l’Etat de destination qui posait question, la Croatie justifiant la confiance, que le procédé utilisé pour y revenir, la décision de transfert elle-même.

A l’instant où cette confiance mutuelle est mise à mal par les comportements étatiques et où ce principe fondamental ne semble guère trouver grâce dans le futur règlement Dublin IV, l’appui de la Cour lui est ici mesuré. La réponse de cette dernière se situe au cœur d’un double courant d’interrogations. Lire la suite

L’arrêt Ognyanov de la Cour de justice : quand la confiance réciproque se fait le révélateur des déficiences de l’espace de liberté

Les conclusions de l’avocat général Yves Bot, dans l’affaire Ognyanov (aff. C-554/14) tranchée en grande chambre par la Cour de justice le 8 novembre 2016, concernant le transfèrement entre deux États membres d’un condamné pour l’exécution de sa peine, pouvaient laisser croire au prononcé d’un grand arrêt relatif au principe de confiance mutuelle. Pourtant, de manière surprenante, alors même que la Cour reprend la solution suggérée par les conclusions et qu’un communiqué de presse proclame l’importance de l’arrêt, la notion de « principe de confiance mutuelle » en tant que telle brille par l’absence de toute référence explicite à ce principe cardinal de l’espace judiciaire européen. La Cour de justice lui préfère sagement celle de « confiance réciproque », visée par les auteurs de la décision-cadre qu’elle interprète. Lire la suite

Quand le juge constitutionnel allemand encadre la confiance mutuelle : réflexions sur le juge européen des droits fondamentaux

par Marguerite Guiresse, CDRE

L’avis 2/13 rendu par la CJUE avait fait effet de tremblement de terre par la brutalité de son refus du projet d’adhésion de l’Union européenne à la CEDH. Il avait surpris presque autant par sa magistrale démonstration juridique rappelant le fonctionnement et les principes du droit de l’Union. « La confiance mutuelle entre Etats membres » y était consacrée en tant que principe constitutionnel de l’UE, alors même que ce principe n’est pas inscrit en droit primaire.

Ce mardi 26 janvier 2016, la Cour Constitutionnelle Fédérale Allemande a publié le communiqué de presse (Press Release No. 4/2016) d’une décision qui bouleverse l’ordre établi.
En se fondant pourtant sur le principe de confiance mutuelle, elle affirme que la protection des droits fondamentaux peut exiger le contrôle de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (MAE) par rapport au respect de « l’identité constitutionnelle » allemande. Dès lors, elle ouvre la porte à l’hypothèse d’une non-application du droit de l’Union Européenne (UE), malgré le principe de primauté, après la mise en œuvre d’un contrôle constitutionnel. Lire la suite