Le contrôle juridictionnel de la coopération intergouvernementale dans l’Union européenne : une thèse au sein du GDR.

par Henri Labayle, CDRE, et Rostane Mehdi, CERIC

La thèse selon laquelle ce contrôle constitue une « contribution à l’étude du processus de juridictionnalisation de l’Union » a fait l’objet d’une soutenance publique à Bayonne, le 21 novembre 2012, par son auteur Géraldine Bachoué-Pedrouzo. Que son jury lui ait décerné ses félicitations unanimes et l’ait invitée à concourir à un prix de thèse indique qu’elle a emporté la conviction. Elle permet d’ouvrir ici une rubrique favorisant la connaissance des travaux doctoraux des jeunes chercheurs du GDR. Lire la suite

L’affaire Aurore Martin, le mandat d’arrêt européen et le pouvoir politique : ni lu, ni compris ?

par Henri Labayle, CDRE

Au lendemain de la remise d’Aurore Martin, militante du parti Batasuna au Pays basque, à la justice espagnole en vertu d’un mandat d’arrêt européen (MAE), une polémique s’est ouverte quant à l’usage de cette technique d’entraide propre à l’Union européenne au point pour certains d’en regretter l’institution extraditionnelle. Dénonçant pêle-mêle l’abandon du principe de non-extradition des nationaux et l’intervention comme la non-immixtion du pouvoir politique dans cette affaire, les remous provoqués par l’affaire Aurore Martin font un mauvais procès au MAE.

Aurore Martin est une militante du parti Batasuna, objet d’un mandat d’arrêt européen délivré par la justice espagnole. Après une première tentative plus ou moins rocambolesque d’exécution de ce mandat lors de la mandature précédente, un contrôle routier présenté comme « fortuit » a donné l’occasion à l’actuel gouvernement de procéder à la remise d’Aurore Martin aux autorités espagnoles, déclenchant des critiques virulentes.

Reprenant les termes d’entretiens journalistiques avec le journal Le Monde et le quotidien Sud Ouest, les réponses suivantes à une interview à ce dernier journal proposent in extenso une grille d’analyse aux lecteurs de ce blog. Lire la suite

Après la clause de souveraineté, la clause humanitaire du réglement Dublin décryptée par la Cour de justice

par Joanna Pétin, CDRE

Le 6 novembre 2012, le règlement Dublin était à nouveau en cause dans le prétoire de la CJUE, dans l’affaire K c. Bundesasylamt (C-245/11), le juge de l’Union devant se prononcer sur l’interprétation de l’article 15§2 du texte. Ce dernier traite des clauses dérogatoires permettant à un Etat membre qui n’est pas responsable d’une demande de protection d’en assumer pourtant la responsabilité pour des motifs particuliers, de nature humanitaire. Après la « clause de souveraineté » de l’article 3§2 interprétée par la CJUE dans l’affaire NS du 21 décembre 2011 (C-411/10 et C-493/10) qui permet à un Etat de se saisir d’une demande de protection, un an plus tard, la Cour est amenée à se pencher sur l’interprétation de la clause humanitaire contenue à l’article 15 du règlement. Lire la suite

Lutte contre le terrorisme et preuves obtenues sous la torture : prolongements en droit interne de la jurisprudence Abu Qatada

par Henri Labayle, CDRE

Dans un arrêt de chambre très intéressant, El Haski c. Belgique, rendu ce 25 septembre 2012 (req. 649/08), la Cour européenne des droits de l’Homme vient d’assurer la postérité de l’arrêt Othman Abu Qatada c. Royaume Uni, déjà commenté sur ce site le 11 mai 2012. Une fois encore, le juge de Strasbourg balise le terrain concédé à la lutte contre le terrorisme en fixant les limites de l’acceptable dans une démocratie.

Confrontée à l’utilisation par le juge pénal interne de déclarations susceptibles d’avoir été obtenues sous l’empire de la torture dans un Etat tiers, la Cour européenne donne quitus au requérant et constate qu’il y a là matière à violation de l’article 6 de la CEDH, au motif que l’ensemble de la procédure pénale en serait viciée. Lire la suite

Protection des données et Eurodac : paradoxes déroutants d’une érosion continue des droits fondamentaux malgré un contexte juridique favorable

par Sylvie Peyrou, CDRE

 

La lecture du dernier avis du Contrôleur Européen de la Protection des Données (CEPD) (avis du 5 septembre 2012) relatif à la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil quant au système « EURODAC » (COM (2012) 254) ne manque pas de laisser le commentateur perplexe. En effet, s’agissant de la protection des données à caractère personnel, il semble que jamais jusqu’à présent la conjoncture n’ait été aussi favorable à une protection maximale de ce droit fondamental. Pourtant, les choses sont loin d’être aussi simples qu’il y paraît, Peter Hustinx constatant lui même que “l’érosion progressive des droits fondamentaux se poursuit”. Lire la suite

Les compétences d’exécution de la Commission en matière de contrôle des frontières extérieures de l’Union : illustration du processus de juridictionnalisation des crises institutionnelles

par Rostane MEHDI, CERIC

 L’arrêt commenté ici, CJUE, 5 septembre 2012, Parlement européen c. Conseil soutenu par la Commission, C-355/10, est le développement contentieux d’un conflit inter-institutionnel qui a surgi à la croisée de deux problématiques particulièrement délicates (et sans doute belligènes) : la comitologie et l’Espace de liberté, de sécurité et de justice ou pour être plus exact la surveillance des frontières extérieures de l’Union.

Une comitologie dont la seule évocation suffit généralement à susciter la méfiance de l’observateur. Ce néologisme désigne on le sait les mécanismes complexes d’encadrement de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission. L’article 291 § 3 TFUE évoque de manière très équivoque les « modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission ». Cette précision témoigne du souci de renforcer la position des Etats membres qui en leur qualité de « titulaires de la compétence éminente » se voient reconnaître le droit somme toute exorbitant de « surveiller l’usage que les institutions de l’Union intervenant en leur lieu et place pourraient en faire » (C. Blumann & L. Dubouis, Droit institutionnel de l’Union européenne, Litec, 2010, p. 364). En l’espèce, le problème tient moins, comme nous le verrons, à la volonté des Etats membres d’exercer un contrôle sur l’ampleur des compétences concédées à la Commission qu’aux craintes du Parlement de voir accorder à celle-ci des pouvoirs dans des conditions ne satisfaisant pas aux exigences de l’équilibre institutionnel en régime démocratique. Lire la suite

Le droit d’asile devant la persécution religieuse : la Cour de justice ne se dérobe pas

par Henri Labayle, CDRE

Par un grand arrêt, incontestablement, la Cour de justice vient de répondre, le 6 septembre, à l’épineuse question de la protection de la liberté de religion des demandeurs d’asile dans l’affaire Bundesrepublik Deutschland c. Y et Z. (C-71/11) et C-99/11). En estimant que la persécution religieuse peut justifier l’octroi de l’asile et faire ainsi obstacle à l’éloignement d’un étranger désireux de pratiquer ouvertement sa religion, la Cour de justice assume pleinement son rôle de juge des droits d’Homme. Si besoin en était encore, le juge de l’Union apporte la preuve de sa détermination à occuper ce terrain, en un domaine où la montée de l’intolérance religieuse pose, effectivement, un problème actuel au droit de l’asile.

Fermement appuyée sur la Charte des droits fondamentaux, implicitement et subtilement en conformité avec la jurisprudence pertinente de la CEDH, la Cour délivre ici une solution empreinte de réalisme qui donne son effet utile au droit de l’Union garantissant le droit d’asile. Lire la suite

Le rattachement de la lutte contre le terrorisme à la PESC ou comment la Cour de justice déroule son fil d’Ariane…

par Géraldine Bachoué Pedrouzo, CDRE

Si la Cour de justice incite depuis plusieurs années, par sa jurisprudence, à inscrire la lutte contre le terrorisme dans le respect des droits fondamentaux, le paradoxe de l’arrêt rendu en Grande Chambre le 19 juillet 2012 sous l’affaire Parlement c/ Conseil (C-130/10) conduit à écarter le législateur européen de cette lutte. Cet amoindrissement du contrôle démocratique doit être regretté, même s’il résulte d’une lecture littérale du traité de Lisbonne et si des principes intéressants pour la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune y sont formulés.

En dépit de sa relative brièveté (113 considérants), l’arrêt de la juridiction du plateau du Kirchberg se livre à un véritable cours de droit constitutionnel, touchant aux actes, aux institutions, au respect des droits fondamentaux et aux garanties juridiques. Surtout, les principes que la CJUE pose confèrent à l’arrêt la même envergure que celle attachée à l’arrêt Kadi (C-402/05 P), auquel elle ne cesse par ailleurs de se référer. Lire la suite

Perseverare diabolicum : lecture approximative de la jurisprudence européenne sur la garde à vue à la Cour de cassation

par Henri Labayle, CDRE

Lire la jurisprudence de la Cour de justice avec les lunettes du droit français ne protège pas de la myopie juridique, l’affaire Melki l’avait déjà démontré en son temps (H. Labayle, Ordonner le dialogue des juges, RFDA 2010 p. 659). Deux arrêts de la chambre civile de la Cour de Cassation confirment ce sentiment, le 5 juillet 2012. Faisant suite à un avis de la Chambre criminelle un mois plutôt, le juge judiciaire constate l’impossibilité de concilier la garde à vue d’un étranger en séjour irrégulier avec les exigences de la directive 2008/115 dite directive « retour », « telle qu’interprétée par la Cour de justice ».

Ouvrant le parapluie de l’autorité de la jurisprudence du Kirchberg, elle accrédite ainsi l’idée, abondamment développée dans de nombreux commentaires, que le droit de l’Union européenne rendrait impossible, par son laxisme, le contrôle et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière…

Or, la vérité du droit positif n’est pas tout à fait celle que l’on dit solennellement, quai de l’Horloge. Lire la suite

Droit à l’assistance linguistique et procédures pénales, le pragmatisme de la directive 2010/64 remis en question

par Julie Bauchy, IRDEIC

La directive 2010/64  du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales s’inscrit dans la nouvelle stratégie de l’Union Européenne en matière pénale. Elle traduit la nouvelle dimension des droits de l’Homme dans le cadre de l’Espace de liberté, sécurité et justice (Programme de Stockholm et Plan d’action mettant en œuvre ledit programme COM (2010)174 final, voir la rubrique Pour aller plus loin, textes de base).

Adoptée sur le fondement de l’article 82§2 du TFUE, cette directive est le premier acte législatif adopté dans le cadre de la feuille de route (point A) relative aux garanties procédurales en matière pénale du 4 décembre 2009, par la suite intégrée dans le programme de Stockholm principalement axé sur la définition et l’établissement de droits procéduraux minimaux. Elle appelle quelques remarques complémentaires. Lire la suite