La transposition de la décision d’enquête européenne par l’ordonnance du 1er décembre 2016 : une surprise attendue …

Un oxymore … Cette alliance de deux termes que leur sens devrait en principe opposer pour traduire ce qui est stupéfiant, inconcevable parfois absurde, semble bien décrire la situation créée par l’ordonnance n° 2016-1636 du 1er décembre 2016 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale. L’ordonnance, prise selon la procédure de l’article 38 de la Constitution française, vient transposer dans le Code de procédure pénale français, aux articles 694-15 et suivants, la directive 2014/41/UE du 3 avril 2014 relative à la Décision d’enquête européenne. Or, ce texte national représente autant une attente remplie d’espérances qu’une surprise décevante pour le droit pénal de l’Union européenne. Lire la suite

L’arrêt Ognyanov de la Cour de justice : quand la confiance réciproque se fait le révélateur des déficiences de l’espace de liberté

Les conclusions de l’avocat général Yves Bot, dans l’affaire Ognyanov (aff. C-554/14) tranchée en grande chambre par la Cour de justice le 8 novembre 2016, concernant le transfèrement entre deux États membres d’un condamné pour l’exécution de sa peine, pouvaient laisser croire au prononcé d’un grand arrêt relatif au principe de confiance mutuelle. Pourtant, de manière surprenante, alors même que la Cour reprend la solution suggérée par les conclusions et qu’un communiqué de presse proclame l’importance de l’arrêt, la notion de « principe de confiance mutuelle » en tant que telle brille par l’absence de toute référence explicite à ce principe cardinal de l’espace judiciaire européen. La Cour de justice lui préfère sagement celle de « confiance réciproque », visée par les auteurs de la décision-cadre qu’elle interprète. Lire la suite

Une directive relative à l’aide juridictionnelle dans l’Union, enfin ?

« Il ne faut pas seulement que justice soit faite ; il faut encore qu’elle soit vue comme telle ». Cette déclaration de 2013 prononcée par Viviane Reding, alors commissaire, aura mis longtemps à se concrétiser, avec l’adoption lors du dernier Conseil de la directive relative à l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et pour les personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen. En attente de signature et non encore publiée au Journal Officiel, l’objectif est de garantir à l’échelle de l’Union, dans le champ d’application du texte, la fourniture d’une aide juridictionnelle aux personnes qui n’ont pas les ressources nécessaires pour pouvoir assumer les frais engendrés par une procédure pénale.

La question de la protection du droit à l’aide juridictionnelle à l’échelle européenne est ancienne. Elle avait d’ailleurs déjà fait l’objet de réflexions ici. Si l’on peut entrevoir, dans les conclusions du Conseil européen de Tampere, un intérêt pour cette problématique, ce n’est véritablement qu’en 2009 que ce droit fera l’objet d’une proposition. Lire la suite

Sans lui, avec lui, et maintenant pour lui…Quand le droit de la coopération pénale européenne devient le moteur de véritables réformes de la procédure pénale française

par Guillemine TAUPIAC-NOUVEL, IRDEIC.

A propos de la Loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.                                                                                             

La transposition des directives en droit pénal pourrait être à l’application du droit européen ce que le pointillisme est à l’art pictural. Des éléments distincts progressivement reliés entre eux pour devenir le paysage répressif dans l’Union européenne. Un travail qui exprime un juste et nécessaire mélange entre le droit venu des institutions européennes et celui des systèmes juridiques ancrés dans les traditions procédurales nationales. L’entreprise est exigeante car, d’une part, aucun des modèles, national ou européen, ne doit être dénaturé et, d’autre part, elle doit être réalisée dans un temps donné. Elle est surtout novatrice supposant de penser simultanément une réforme de la procédure pénale nationale et la poursuite de la mise en place de l’Espace de liberté de sécurité et de justice entre les Etats membres de l’Union européenne (ELSJ). Lire la suite

Une législation sur les garanties procédurales des suspects dans les procédures pénales : prudence est-elle bien toujours mère de sûreté ?

par Maiténa Poelemans, CDRE

La fin de l’année 2013 a été marquée par l’apport d’une nouvelle pierre à l’édifice des garanties procédurales des citoyens dans le cadre des procédures pénales. La Commission européenne a en effet adopté, le 27 novembre 2013, une communication intitulée « Avancées dans le programme de l’Union européenne relatif aux garanties procédurales en faveur des suspects ou  personnes poursuivies – Renforcer les fondements de l’espace européen de justice pénale » [COM 2013-820].

Cette communication relative aux garanties procédurales des personnes faisant l’objet de poursuites pénales comprend trois propositions de directives relatives, respectivement, au renforcement de la présomption d’innocence, à l’aide juridictionnelle en matière pénale et aux garanties procédurales en faveur des mineurs suspectés. Elles sont complétées par les deux premières recommandations de la Commission en matière de droit pénal de l’UE et qui portent sur le droit à l’aide juridictionnelle des personnes suspectées et sur les garanties procédurales en faveur des personnes vulnérables suspectées. Lire la suite

Droit d’être entendu, droit de la défense et obligation de quitter le territoire : à propos de l’arrêt CAA Lyon du 14 mars 2013, M.

par Marc Clément, CAA Lyon

La transposition fin 2010 de la directive dite directive « Retour » 2008/115/CE a introduit un nouvel acteur dans le contentieux des étrangers : la Cour de Justice de l’Union européenne. L’équilibre trouvé jusque là dans un droit marqué par la double influence du droit national et du droit issu de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg s’en trouve déplacé sans que l’on puisse encore en mesurer toutes les conséquences. Lire la suite

Never say never again : quand le mandat d’arrêt européen conduit le Conseil constitutionnel à poser sa première question préjudicielle à la Cour de justice

par Henri Labayle, CDRE

Tout arrive. Après avoir longtemps manifesté une indifférence souveraine à l’égard du renvoi préjudiciel organisé par le droit de l’Union européenne, le Conseil constitutionnel s’est intelligemment rendu à l’évidence : l’obligation d’y recourir pèse également sur lui. Il s’y rend délibérément dans une décision 2013-314 QPC du 4 avril 2013, M. Jérémy F. rendu à propos du mandat d’arrêt européen.

La petite histoire retiendra que la fuite et l’arrestation en France d’un enseignant britannique accompagné de l’une de ses élèves mineures lui auront donné l’occasion de cette prise de conscience, dans une affaire continuant à défrayer la chronique des tabloïds d’outre-Manche. Lire la suite

Retour sur l’arrêt Melloni : quelques réflexions sur des usages contradictoires du principe de primauté

par Rostane Mehdi, CERIC

Nous souhaiterions revenir sur une décision Melloni (C-399/11) dont Henri Labayle a livré dans ces colonnes électroniques une première analyse approfondie. Pour notre part, nous développerons ici une réflexion cursive sur les usages dont le principe de primauté peut être l’objet. Il ressort, en effet, de cet arrêt (qui suscitera par ailleurs d’innombrables commentaires) que ce principe peut simultanément, et ce n’est pas le moindre de ses paradoxes, donner lieu à une conception à la fois cohérente (1), lorsqu’elle est reliée aux données d’une espèce, et potentiellement risquée lorsque l’on procède à une montée en généralité (2). Lire la suite

Mandat d’arrêt européen et degré de protection des droits fondamentaux, quand la confiance se fait aveugle

par Henri Labayle, CDRE

Il était très attendu. L’arrêt Melloni (C-399/11) rendu le 26 février 2013 par la Cour de justice sur des conclusions conformes d’Yves Bot apporte un éclairage déterminant à la problématique de la protection des droits fondamentaux dans l’Espace de liberté, sécurité et justice, à l’occasion de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

Sollicitée par le Tribunal constitutionnel espagnol qui l’interrogeait sur le point de savoir dans quelles conditions l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (MAE) délivré aux fins d’exécuter un jugement par défaut peut être réalisée si le droit de l’Etat d’exécution requiert un nouveau jugement dans l’Etat d’émission, la Cour était confrontée à la disparité de la protection des droits fondamentaux dans l’Union. Lire la suite

Recours effectif et procédure accélérée en matière d’asile : l’écho luxembourgeois de la jurisprudence de la CEDH

par Joanna Petin, CDRE

Tout comme l’affaire N.S. a fait écho à Luxembourg à la jurisprudence M.S.S. de la CEDH, l’arrêt H.I.D et B.A (C-175/11). rendu le 31 janvier 2013 par la Cour de justice de l’Union parait répondre aux enseignements de l’arrêt I.M. contre France dont avait eu à connaitre la Cour européenne des droits de l’homme, le 2 février 2012. Dans les deux affaires, étaient en cause les procédures prioritaires (ou accélérées) d’examen de demande de protection internationale face aux exigences du droit à un recours effectif. Lire la suite