L’Agenda européen sur la migration : quatre affichages et un enterrement ? (actualisation)

par Henri Labayle, CDRE

Rarement une Communication de la Commission aura été attendue comme l’était celle relative à « l’Agenda européen sur la migration » (COM (2015) 240) présentée le 13 mai 2015, en grande pompe, par les deux vice-présidents de la Commission en lien avec le dossier et le commissaire en charge.

Rarement, aussi, une déclaration d’intentions de cette nature aura déclenché une telle levée de boucliers, médiatique comme politique. La virulence des critiques est d’autant plus vive que leurs auteurs s’expriment abondamment sur des sujets dont ils ignorent tout, notamment dans la classe politique française. Elle donne ainsi l’occasion à nombre de petits marquis poudrés de pourfendre doctement le « droit de l’hommisme » de la Commission, au mépris des valeurs, du droit et des traditions de la République dont ils se prétendent propriétaires. Lire la suite

La protection des étrangers gravement malades par les juges européens : une cause perdue ?

par Henri Labayle, CDRE

Les règlements amiables devant la Cour européenne des droits de l’Homme ont bon dos. Pratique étatique le plus souvent ignorée, cette « altération de la fonction judiciaire » décrite par Frédéric Sudre a, au moins, pour mérite de se dérouler devant la Cour. Parfois, elle interdit cependant le débat public sur des questions essentielles ou controversées.

L’éloignement des étrangers gravement malades ou en fin de vie en est une, de principe, où le volontarisme de la CEDH fut déterminant en son temps. Aussi, l’arrêt de radiation de l’affaire S.J c. Belgique, rendu en Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme le 19 mars 2015, constitue une déception sérieuse pour l’observateur. Accordant certes satisfaction à la requérante, cette radiation empêche en effet de réouvrir le débat sur une jurisprudence discutable et toute évolution de la question. L’impact des solutions dégagées par la CEDH en la matière dépasse en effet largement le cadre de la Convention européenne et il interroge quant au fond.  Lire la suite

La crise de l’immigration dans l’Union : vivre et laisser mourir ?

par Henri Labayle, CDRE

Une fois encore, la presse se fait justement l’écho de la crise migratoire frappant l’Union européenne, superlatifs à l’appui. Les mêmes mots, il y a quelques semaines, relataient déjà les mêmes inquiétudes et proféraient les mêmes contre-vérités. Avant que l’actualité ne les chasse comme des nuages que l’on sait programmés pour revenir, à la prochaine marée.

La publication du rapport trimestriel de Frontex en est la cause, rendant ainsi un hommage indirect aux efforts de transparence d’une Agence de l’Union souvent injustement décriée. Elle s’ajoute aux travaux du Bureau européen d’asile et à ceux d’Eurostat. Cette publicité coïncidant avec la reprise des débats internes à l’Union mérite un éclairage particulier. Lire la suite

Précisions jurisprudentielles sur la protection des étrangers dans le droit de l’Union : un acte manqué ?

par Joanna Pétin, CDRE

La situation des ressortissants de pays tiers malades dans l’Union européenne, du point de vue de l’accueil ou encore de l’éloignement du territoire, ouvrent des problématiques éminemment sensibles. L’affaire S.J. contre Belgique jugée par la Cour européenne des droits de l’homme le 27 février 2014, dont le renvoi en Grande Chambre a été demandé le 7 juillet, souligne en ce sens que « la souffrance due à une maladie survenant naturellement, qu’elle soit physique ou mentale, peut relever de l’article 3 si elle se trouve ou risque de se trouver exacerbée par un traitement – que celui-ci résulte de conditions de détention, d’une expulsion ou d’autres mesures – dont les autorités peuvent être tenues pour responsables » (CEDH, 27 février 2014, S.J. contre Belgique, n°70055/10, §118).

Si la Cour de Strasbourg a développé une jurisprudence spécifique dans ce domaine (v. en ce sens notamment, CEDH, 2 mai 1997, D. contre Royaume-Uni, n°30240/96 ; CEDH, G.C., 27 mai 2008, N. contre Royaume-Uni, n°26565/05), la Cour de justice, jusqu’à ce 18 décembre 2014, n’avait pas été amenée à se positionner sur ce terrain. Saisis de deux renvois préjudiciels, dans les affaires M’Bodj et Moussa Abdida, les juges de Luxembourg viennent de dessiner les contours de la protection offerte aux étrangers malades sur le territoire européen. Lire la suite

Obligations positives des Etats parties à la CEDH et séjour irrégulier : pour un meilleur usage de la subsidiarité juridictionnelle par la CEDH

par Henri Labayle, CDRE

Dans le climat politique entourant actuellement la Cour européenne des droits de l’Homme et la conception qu’elle se fait de sa fonction, l’arrêt de Grande Chambre rendu le 4 octobre 2014 dans l’affaire Jeunesse c Pays bas apporte un éclairage brutal aux divergences de points de vue que l’on sait.

Une banale affaire de respect des droits tirés de l’article 8 de la CEDH en matière de refus de titre de séjour est en effet l’occasion d’une opposition exprimée frontalement par trois juges, dont le juge britannique, dans leur opinion dissidente. Lire la suite

La promotion des valeurs de l’Union et de la dignité des droits de l’étranger en situation irrégulière par son avocat général sera-t-elle entendue par la Cour de justice ?

par Joana Pétin, CDRE

La dignité de la personne humaine est sans doute « la quintessence des valeurs par lesquelles nous affirmons ensemble que nous sommes une seule communauté humaine » (P. Lambert, « Les droits de l’homme à l’épreuve du principe de la dignité humaine », in Mélanges en l’honneur du Professeur Petros J. Pararas, Les droits de l’homme en évolution, Bruylant, 2009, p.333-348).

L’Union européenne participe de cette affirmation. Le Traité de Lisbonne ayant procédé à la reconnaissance de la valeur juridique contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la dignité humaine est désormais placée au premier rang des valeurs fondatrices de l’Union. S’appuyant sur cette réalité juridique de façon remarquable, l’avocat général Yves Bot vient de proposer à la Cour de justice d’en tirer les conséquences, dans ses conclusions sur l’affaire Moussa Abdida rendues le 4 septembre dernier. Lire la suite

La nouvelle Commission Juncker et la JAI : que tout change pour que rien ne change ?

par Henri Labayle, CDRE

La composition de la nouvelle Commission a suscité nombre de commentaires dans les médias, souvent bienveillants sinon flatteurs. L’a priori favorable dont bénéficie son Président, Jean Claude Juncker, n’empêche pas de douter de leur bien-fondé en matière de Justice et d’affaires intérieures, à supposer d’ailleurs que ces commentaires se vérifient dans les autres domaines d’action de l’Union.

Après des discours encourageants semblant indiquer que les thèmes des valeurs de l’Union et de l’urgence migratoire avaient été pris en considération par le programme du candidat à la Présidence, le retour à la réalité est moins enthousiasmant. Sans procès d’intention, il faut se résoudre à penser que, non seulement le changement ici aussi n’est pas pour maintenant, mais qu’il n’est pas davantage dans l’esprit des dirigeants de l’Union. Lire la suite

Approche globale de la question des migrations et de la mobilité dans l’Union : de la langue de bois à l’autosatisfaction

par Henri Labayle, CDRE

La publication récente du rapport de la Commission sur la mise en œuvre de l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM) (COM (2014) 96) permet de faire, dans une actualité chargée, un point utile sur la gestion des questions migratoires dans l’Union européenne.

Sa lecture laisse en effet le sentiment d’une action accomplie de l’Union, d’un équilibrage bienvenu des données des politiques migratoires entre leurs volets sécuritaire et humanitaire, d’une politique publique en plein essor.  L’observation quotidienne paraissait le démentir, pourtant. D’où provient alors ce sentiment curieux de décalage ? Lire la suite

Visas Schengen : quand la Cour précise les conditions dans lesquelles un Etat peut refuser leur octroi

par Rostane Mehdi, CERIC

Les Etats membres de l’Union délivrent chaque année plusieurs millions de visas « Schengen » de court séjour (Voir rapport de la Commission sur le fonctionnement de la coopération locale au titre de Schengen au cours des deux premières années de mise en œuvre du code des visas (COM 2012 648). Précieux viatique pour d’innombrables ressortissants d’Etats tiers, instrument au service d’une stratégie défensive, mécanisme permettant de canaliser les flux migratoires, les visas « Schengen » nourrissent espoirs et fantasmes.

Les conditions dans lesquelles ils sont accordés, ou refusés, restent, aux yeux de beaucoup (du moins à la périphérie de l’Union), nimbées d’un parfum d’arbitraire. C’est en cela que l’arrêt C 84/12 rendu le 19 décembre dans l’affaire Koushkaki c. RFA est intéressant car il donne à la Cour une occasion de préciser ce régime tel qu’il est défini par le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un Code communautaire des visas (ci-après code des visas). Lire la suite

Droits fondamentaux et migrants : quand les Nations Unies pointent l’Union européenne du doigt…

par Laura Delgado, CDRE

Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants des Nations Unies, François Crépeau, a consacré la première année de son mandat à la réalisation d’une étude sur la gestion des frontières extérieures de l’UE et ses incidences sur les droits de l’homme des migrants. Cette étude, menée en consultation avec l’Union Européenne et ses Etats Membres vise à évaluer les avancées réalisées en matière de protection des droits de l’homme des migrants, ainsi que les obstacles et problèmes qui perdurent en la matière. Lire la suite