Conseil JAI : Eviter les sujets qui fâchent

par Henri Labayle, CDRE

Le Conseil des ministres en charge de la justice et des affaires intérieures se réunissait, le 26 avril à Luxembourg avec un ordre du jour diversement chargé, avant le Conseil du 7 juin clôturant la présidence danoise (doc.9179/12). Comme souvent  dans ces cas, les couloirs ont plutôt bruissé de ce qui ne figurait pas à l’ordre du jour que l’inverse.

Un certain nombre de thèmes étaient pourtant intéressants. Les moindres d’entre eux n’étaient pas, d’une part, la volonté de l’Union de s’attaquer aux opérations d’initiés et, d’autre part, les échanges de vue entre Etats membres à propos de l’immigration irrégulière.

Dans le premier cas, le Conseil s’est penché sur la proposition de la Commission présentée le 21 octobre 2011 (COM (2011) 654). Fournissant une liste détaillée des infractions devant être sanctionnées et des mesures et des sanctions minimales auxquelles les autorités compétentes peuvent recourir, le texte vise à combler une situation profondément anormale. En effet, aujourd’hui, cinq États membres ne prévoient pas de sanctions pénales pour la divulgation d’informations privilégiées par des initiés primaires et huit n’en prévoient pas pour les initiés secondaires. Mieux, un État membre n’applique à l’heure actuelle aucune sanction pénale aux opérations d’initiés des initiés primaires et quatre États membres n’en appliquent pas aux manipulations de marché. Que le Conseil soit parvenu à une «approche « générale partielle », pour reprendre les délices du langage d’initiés bruxellois, est déjà un premier résultat encourageant.

La question migratoire était également à l’ordre du jour à la fois pour un tour d’horizon relatif à l’approche globale de la migration et de la mobilité développée par la Commission (COM 2011 743), approuver un texte stratégique de plus sur les réponses de l’Union à la pression migratoire et se hâter d’attendre une Communication de la Commission attendue pour le début du mois de mai.

L’essentiel était donc bien ailleurs, sur les suites du dossier Schengen. Les ministres français et allemands de l’Intérieur avaient en effet jugé bon d’adresser une lettre conjointe à la présidence danoise rappelant leur souhait de voir aboutir un « mécanisme de compensation » comportant  la possibilité de rétablir des contrôles aux frontières intérieures en cas de défaillance d’un partenaire. Ils rappelaient également, et à juste titre, les obstacles figurant dans le traité concernant une communautarisation de la gouvernance de Schengen, la réserve de compétence nationale relative à l’ordre public paraissant difficile à contourner.

Il n’en fallait pas plus pour que la mauvaise humeur de quelques ministres, du Bénélux à la Suède, s’exprime, effectuant un lien plus ou moins bien venu avec la période électorale française qui sous-tend certaines postures. Il reste pourtant que la démarche en question traite d’un vide juridique autant qu’elle exprime la vision commune des deux États, qu’en d’autres termes, de faux débats ne peuvent masquer de vraies questions.

Rien n’a été prévu dans Schengen pour faire face à une défaillance d’un partenaire, et pour cause. Conçu entre cinq Etats homogènes, à l’abri d’un Rideau de fer infranchissable, il ne serait venu à l’esprit d’aucun fondateur de Schengen d’imaginer l’hypothèse d’une défaillance structurelle d’un des Etats membres et donc, de tenter d’y répondre.

Or, l’hypothèse n’est plus d’école et l’inertie de la Commission dans le cas grec démontre que les procédures ordinaires du traité n’ont pas été capables d’y répondre. Le reste n’est que littérature ou polémique politicienne qu’il faudra bien clarifier un jour, en identifiant les responsabilités en cause.

Au fait, Schengen n’était-il pas l’archétype des bienfaits de la coopération intergouvernementale, entre les mains exclusives des préfets qui nous gouvernent ?