Le rattachement de la lutte contre le terrorisme à la PESC ou comment la Cour de justice déroule son fil d’Ariane…

par Géraldine Bachoué Pedrouzo, CDRE

Si la Cour de justice incite depuis plusieurs années, par sa jurisprudence, à inscrire la lutte contre le terrorisme dans le respect des droits fondamentaux, le paradoxe de l’arrêt rendu en Grande Chambre le 19 juillet 2012 sous l’affaire Parlement c/ Conseil (C-130/10) conduit à écarter le législateur européen de cette lutte. Cet amoindrissement du contrôle démocratique doit être regretté, même s’il résulte d’une lecture littérale du traité de Lisbonne et si des principes intéressants pour la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune y sont formulés.

En dépit de sa relative brièveté (113 considérants), l’arrêt de la juridiction du plateau du Kirchberg se livre à un véritable cours de droit constitutionnel, touchant aux actes, aux institutions, au respect des droits fondamentaux et aux garanties juridiques. Surtout, les principes que la CJUE pose confèrent à l’arrêt la même envergure que celle attachée à l’arrêt Kadi (C-402/05 P), auquel elle ne cesse par ailleurs de se référer. Lire la suite

Perseverare diabolicum : lecture approximative de la jurisprudence européenne sur la garde à vue à la Cour de cassation

par Henri Labayle, CDRE

Lire la jurisprudence de la Cour de justice avec les lunettes du droit français ne protège pas de la myopie juridique, l’affaire Melki l’avait déjà démontré en son temps (H. Labayle, Ordonner le dialogue des juges, RFDA 2010 p. 659). Deux arrêts de la chambre civile de la Cour de Cassation confirment ce sentiment, le 5 juillet 2012. Faisant suite à un avis de la Chambre criminelle un mois plutôt, le juge judiciaire constate l’impossibilité de concilier la garde à vue d’un étranger en séjour irrégulier avec les exigences de la directive 2008/115 dite directive « retour », « telle qu’interprétée par la Cour de justice ».

Ouvrant le parapluie de l’autorité de la jurisprudence du Kirchberg, elle accrédite ainsi l’idée, abondamment développée dans de nombreux commentaires, que le droit de l’Union européenne rendrait impossible, par son laxisme, le contrôle et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière…

Or, la vérité du droit positif n’est pas tout à fait celle que l’on dit solennellement, quai de l’Horloge. Lire la suite

Les membres étrangers de la famille d’un citoyen de l’Union : enjeux et paradoxes d’une jurisprudence évolutive

par Nathalie Rubio, CERIC

Le 9 mai dernier, la Commission a lancé une Consultation publique sur les obstacles quotidiens auxquels les citoyens de l’Union sont confrontés dont les résultats feront l’objet d’un rapport qui sera publié en 2013, Année européenne du Citoyen. Il sera alors dressé un bilan des mesures adoptées depuis le premier rapport de 2010 sur la Citoyenneté (COM (2010) 603 final). Parmi les nombreuses difficultés relevées figurent celles posées par les droits des membres de la famille du citoyen ayant la nationalité d’un Etat tiers.

La Commission s’est donc engagée à  faciliter « la libre circulation des citoyens de l’Union et des membres de leur famille issus de pays tiers en veillant à la stricte application de la réglementation de l’UE, notamment dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en favorisant les bonnes pratiques, en améliorant la connaissance de la réglementation de l’UE sur le terrain et en renforçant la diffusion, aux citoyens de l’Union, d’informations sur leurs droits en matière de libre circulation » (p. 17). Lire la suite

Le droit à un recours juridictionnel effectif pris dans la toile, l’arrêt G. c. Cornelius de Visser de la CJUE

par Marcelo Sotomayor et Marjolaine Roccati, CEJEC

Dans cet arrêt en date du 15 mars 2012, rendu par une chambre à cinq, sans conclusions, C 292 10, la Cour de justice de l’Union européenne a réaffirmé le droit à un recours juridictionnel effectif mis à rude épreuve dans le cadre d’un litige Internet. En l’espèce, intéressée par le site Internet et les prestations de services de Monsieur de Visser, Madame G. avait contacté ce dernier pour la réalisation de photographies, sur lesquelles elle est montrée en partie nue. L’utilisation de ces photographies, prises par une collaboratrice et un photographe mandaté par Monsieur de Visser, était prévue pour une soirée. Mais quelques six ans plus tard, elles refont leur apparition aux yeux des collègues de travail de G. sur Internet. Lire la suite

Le chaînon manquant : quand la Cour de justice établit le lien entre citoyenneté de l’Union, sécurité publique et Espace de liberté

par Henri Labayle, CDRE

La Cour de justice a rendu un arrêt majeur, le 22 mai 2012 dans l’affaire C-348/09, P.I. c. Oberbürgermeisterin der Stadt Remscheid. Interrogée sur le sens à donner aux « raisons impérieuses de sécurité publique » qui permettent d’éloigner un citoyen de l’Union, la Cour de justice choisit de s’appuyer sur les domaines de criminalité particulièrement graves appelant une coopération pénale entre Etats membres dans le cadre de l’ELSJ.

Elle fait ainsi de l’article 83 TFUE un élément de référence pour les Etats membres, empêchant de réduire la sécurité publique aux « menaces pour la sécurité intérieure et extérieure de l’État, comprise comme la pérennité de l’État avec ses institutions et ses services publics essentiels, la survie de la population ainsi que les relations extérieures et la cohabitation pacifique des peuples ». Lire la suite

Transparence et lutte internationale contre le terrorisme. La culture du secret mise à l’épreuve

par Rostane MEHDI, CERIC

Baltasar Gracian écrivait en 1647, dans L’art de la prudence, que « la science du plus grand usage est l’art de dissimuler ». Cet aphorisme garde aujourd’hui encore tout son sel tant la discrétion semble seoir à la conduite des grandes affaires publiques.

C’est du moins ce que le Conseil, fermement soutenu ici par la Commission, a essayé de démontrer, avec une fortune il est vrai très relative, dans l’arrêt T-529/09, Sophie int’Veld contre Conseil soutenu par la Commission, rendu le 4 mai 2012 par le Tribunal de l’Union. Le Tribunal était saisi, en l’espèce, d’une demande d’annulation de la décision du Conseil du 29 octobre 2009 refusant l’accès intégral au document n° 11897/09, du 9 juillet 2009, contenant l’avis du service juridique du Conseil intitulé « Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser l’ouverture de négociations entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique en vue d’un accord international destiné à mettre à la disposition du département du Trésor des États-Unis des données de messagerie financière dans le cadre de la prévention du terrorisme et du financement du terrorisme ainsi que de la lutte contre ces phénomènes – Base juridique ». Lire la suite

L’Etat « responsable » au sens du Règlement « Dublin II » et le retrait des demandes d’asile. A propos de l’arrêt Kastraki.

par Laure Clément-Wilz, IRDEIC

Les demandeurs d’asile au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice peuvent-ils retirer unilatéralement leur demande sans que cela n’affecte le système du Règlement 343/03, dit « Dublin II », qui vise précisément à déterminer de manière objective qui est l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile ?

Telle était la question posée à la Cour de justice dans l’affaire Kastraki, rendue le 3 mai 2012. Lire la suite

Une étude sur l’impact du juge européen en matière d’asile et d’immigration

par Philippe de Bruycker, Odysseus

Chacun le sait, le droit de l’asile et de l’immigration a largement été façonné par la jurisprudence, interne certes, mais beaucoup aussi européenne et communautaire. A l’instant où s’amorcent les débats relatifs à la seconde génération du droit de l’Union européenne en la matière mais aussi où certains Etats européens contestent la place tenue par le juge européen, il était instructif de faire le point.

Le Parlement européen a éprouvé ce besoin, nous confiant avec le professeur Henri Labayle une étude approfondie sur la question. Lire la suite

Acquisition de la nationalité de l’Etat membre d’accueil sans perte de la nationalité turque

par Valérie Michel, CERIC

La Cour que l’on sait soucieuse de distinguer le régime juridique applicable aux citoyens de l’Union de celui régissant les ressortissants turcs (CJUE, 8 déc. 2011, aff. C-371/08, Ziebell) s’attache toutefois à défendre les droits des travailleurs turcs et notamment le droit au regroupement familial.

La situation soumise à la Cour dans l’arrêt du 29 mars 2012, aff. jtes., C-7/10 et C-9/10, Tayfun Kahveci et Osman Inan est inédite : elle doit préciser l’incidence sur le bénéficiaire du regroupement familial auprès d’un travailleur turc, de l’acquisition, par ce travailleur, de la nationalité de l’Etat d’accueil sans perte de la nationalité turque. Lire la suite

Enfin, un Etat membre répond de ses manquements en matière migratoire devant la Cour de justice de l’Union

par Henri Labayle, CDRE

Triste constat : il aura fallu près de 13 ans, depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, pour voir la Cour de justice sanctionner sur le fond un Etat membre pour sa violation du droit commun de l’asile et de l’immigration.

Tout vient donc à point à qui sait attendre, la condamnation des Pays Bas dans l’arrêt rendu ce 26 avril dans l’affaire C-508/10 vient utilement rappeler à tous l’obligation de respecter la substance du droit européen et pas seulement l’obligation classique d’en transposer les dispositions en droit interne. Lire la suite