Le chaînon manquant : quand la Cour de justice établit le lien entre citoyenneté de l’Union, sécurité publique et Espace de liberté

par Henri Labayle, CDRE

La Cour de justice a rendu un arrêt majeur, le 22 mai 2012 dans l’affaire C-348/09, P.I. c. Oberbürgermeisterin der Stadt Remscheid. Interrogée sur le sens à donner aux « raisons impérieuses de sécurité publique » qui permettent d’éloigner un citoyen de l’Union, la Cour de justice choisit de s’appuyer sur les domaines de criminalité particulièrement graves appelant une coopération pénale entre Etats membres dans le cadre de l’ELSJ.

Elle fait ainsi de l’article 83 TFUE un élément de référence pour les Etats membres, empêchant de réduire la sécurité publique aux « menaces pour la sécurité intérieure et extérieure de l’État, comprise comme la pérennité de l’État avec ses institutions et ses services publics essentiels, la survie de la population ainsi que les relations extérieures et la cohabitation pacifique des peuples ». Lire la suite

Les droits procéduraux dans l’Union européenne sont-ils le meilleur terrain de compromis ?

par Maitena Poelemans, CDRE

Ne figurant ni à l’ordre du jour du Conseil des ministres JAI des 26 et 27 avril derniers, ni dans le communiqué de presse en découlant, l’adoption, après approbation des députés européens, du texte proposé par la Commission européenne pour garantir le droit des accusés à être informés pendant la procédure pénale (doc. PE-CONS 78/11) est passée relativement inaperçue.

Cette absence de communication illustre la « banalisation » d’un tel accord sur les garanties procédurales en matière pénale, après l’adoption de la première mesure issue de la feuille de route relative aux garanties procédurales en matière pénale du 4 décembre 2009, qui portait sur les droits à la traduction et à l’interprétation dans les procédures pénales. Lire la suite

Coup de projecteur sur deux propositions de directive (droit à l’information et droit d’accès à un avocat) au regard des règles de procédure pénale françaises

Blandine Thellier de Poncheville, CDP, Université Jean Moulin Lyon 3

Ces dernières années, l’actualité pénale a été marquée par la reconnaissance du droit d’être assisté par un avocat pendant les interrogatoires au cours de la garde à vue sous l’impulsion de la CEDH, suivie, en France,  du  Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. Ce droit a été finalement introduit dans le Code de procédure pénale par la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue qui a encadré l’intervention de l’avocat. Notamment celui-ci ne peut pas avoir accès au dossier et son assistance est limitée aux seules auditions et confrontations pendant la garde à vue.

Ces deux points ont fait l’objet d’une QPC mais le Conseil constitutionnel a écarté les griefs d’inconstitutionnalité dans sa décision du 18 novembre 2011 et il n’a émis qu’une réserve d’interprétation au sujet de « l’audition libre ». Or, deux propositions de directive, si elles sont adoptées, pourraient remettre en cause ces solutions.

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Transparence et lutte internationale contre le terrorisme. La culture du secret mise à l’épreuve

par Rostane MEHDI, CERIC

Baltasar Gracian écrivait en 1647, dans L’art de la prudence, que « la science du plus grand usage est l’art de dissimuler ». Cet aphorisme garde aujourd’hui encore tout son sel tant la discrétion semble seoir à la conduite des grandes affaires publiques.

C’est du moins ce que le Conseil, fermement soutenu ici par la Commission, a essayé de démontrer, avec une fortune il est vrai très relative, dans l’arrêt T-529/09, Sophie int’Veld contre Conseil soutenu par la Commission, rendu le 4 mai 2012 par le Tribunal de l’Union. Le Tribunal était saisi, en l’espèce, d’une demande d’annulation de la décision du Conseil du 29 octobre 2009 refusant l’accès intégral au document n° 11897/09, du 9 juillet 2009, contenant l’avis du service juridique du Conseil intitulé « Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser l’ouverture de négociations entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique en vue d’un accord international destiné à mettre à la disposition du département du Trésor des États-Unis des données de messagerie financière dans le cadre de la prévention du terrorisme et du financement du terrorisme ainsi que de la lutte contre ces phénomènes – Base juridique ». Lire la suite

La fonction économique sociétale et politique de l’espace judiciaire européen

par Sylvaine Poillot-Peruzzetto, IRDEIC

Que par la construction de l’espace judiciaire européen l’Europe promeuve la justice et se promeuve elle-même dans le même mouvement est sans doute une bonne nouvelle pour l’Europe qui étend ainsi ses valeurs. Pour la justice, la dimension  européenne permet, par le  mouvement de Renaissance induit, de repenser et reconstruire.

Ainsi, le nouvel objectif européen d’espace judiciaire à la fois renforce la construction de l’ensemble par la volonté et l’échange et non par la force puisqu’il donne à l’Europe des valeurs nouvelles autour de la  justice et il met en route pour la justice un process qui devrait aller de l’élimination des obstacles à la construction de  standards communs tout en valorisant le mouvement commun vers la justice et ses premiers  acquis. Lire la suite

Du bon usage des délais de renvoi devant la Grande chambre de la CEDH ….L’éloignement d’Abu Qatada est désormais possible

par Henri Labayle, CDRE

En ne donnant pas suite à la demande de renvoi de l’affaire Abu Qatada devant la Grande chambre de la Cour européenne des droits d el’Homme, le 9 mai 2012, le collège de 5 juges de la Grande chambre met un terme à un feuilleton autant médiatique que juridique. L’affaire avait provoqué un tollé dans l’opinion publique britannique, en raison de sa portée symbolique en matière de lutte contre le terrorisme.

Pire, elle coïncidait avec les débats liés à l’ouverture de la Conférence de Brighton relative à l’avenir de la CEDH, facilitant ainsi critiques et amalgames.

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L’espace de liberté à l’Académie de législation de Toulouse

par Sylvaine Peruzzetto, IRDEIC

L’Académie de législation de Toulouse est une institution unique en son genre, dont l’objectif est de contribuer au développement de la science du droit. Elle regroupe avocats, magistrats, universitaires et autres juristes, placée sous le patronage du jurisconsulte Cujas (www.academie-legislation.fr).

Vous pouvez y écouter ma contribution à une réflexion sur le sens de l’Espace de liberté, sécurité justice
http://www.dailymotion.com/video/xjno47

L’Etat « responsable » au sens du Règlement « Dublin II » et le retrait des demandes d’asile. A propos de l’arrêt Kastraki.

par Laure Clément-Wilz, IRDEIC

Les demandeurs d’asile au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice peuvent-ils retirer unilatéralement leur demande sans que cela n’affecte le système du Règlement 343/03, dit « Dublin II », qui vise précisément à déterminer de manière objective qui est l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile ?

Telle était la question posée à la Cour de justice dans l’affaire Kastraki, rendue le 3 mai 2012. Lire la suite

Une étude sur l’impact du juge européen en matière d’asile et d’immigration

par Philippe de Bruycker, Odysseus

Chacun le sait, le droit de l’asile et de l’immigration a largement été façonné par la jurisprudence, interne certes, mais beaucoup aussi européenne et communautaire. A l’instant où s’amorcent les débats relatifs à la seconde génération du droit de l’Union européenne en la matière mais aussi où certains Etats européens contestent la place tenue par le juge européen, il était instructif de faire le point.

Le Parlement européen a éprouvé ce besoin, nous confiant avec le professeur Henri Labayle une étude approfondie sur la question. Lire la suite

Conflits de compétence et exécution d’un mandat d’arrêt européen dans l’affaire Toscan Du Plantier : quelle cohérence pour l’espace pénal européen ?

par Guillemine Taupiac- Nouvel, IRDEIC

L’arrêt rendu le 1er mars 2012 par la Cour suprême de la République d’Irlande met en lumière la délicate application d’un instrument de coopération judiciaire pénale nouvellement fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle entre les Etats de l’Union européenne. La décision  prise à l’unanimité des cinq juges de la Supreme court de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen (MAE) émis par la France ne surprend pas en soi.

Plus inattendues, en revanche, sont les raisons qui justifient ce refus. Le raisonnement des plus hauts magistrats irlandais, et le travail d’exégèse des textes européen et national qui le sert, renvoient à la question de la cohérence de l’espace pénal européen. Lire la suite