Derniers développements concernant le mandat d’arrêt européen : la Cour de justice au secours de la construction répressive européenne

L’activité judiciaire relative à l’instrument répressif le plus emblématique de l’Union, le mandat d’arrêt européen, a été dense ces derniers mois. La coupure estivale n’y aura rien changé. Au contraire, la Cour de justice de l’Union européenne s’est montrée particulièrement pro-active face à des questions préjudicielles nouvelles ou, à tout le moins, impliquant un haut niveau d’interactions entre les juges de la coopération pénale européenne.

Le 25 juillet 2018, la Cour de justice rend trois arrêts (C-216/18 PPU ; C-268/17 ; C-220/18 PPU) auxquels s’ajoute un arrêt du 19 septembre 2018 (C-327/18 PPU). En cette période de crises profondes traversée par l’Union, chacune de ces décisions présente une importance pour l’avenir de la construction de l’espace pénal européen (v. ég. sur ce site : Henri Labayle, Winter is coming : la Hongrie, la Pologne, l’Union européenne et les valeurs de l’État de droit). Lire la suite

Etat de droit et mandat d’arrêt européen : quel rôle pour la Cour de Justice ?

L’arrêt L.M. ou Celmer (affaire C-216/18 PPU) a été rendu le 25 juillet dernier dans un contexte politique européen des plus perturbés. Les faits, à l’origine de ce « grand arrêt » déjà évoqué ici sont des plus classiques : un ressortissant polonais, M. Celmer, accusé de trafic illicite de stupéfiants fait l’objet de trois mandats d’arrêts européens émis par des juridictions polonaises. Interpellé en Irlande, il refuse de consentir à sa remise devant la High Court irlandaise et fonde son rejet sur les conséquences que pourraient avoir sur son cas les réformes du système judiciaire polonais, à savoir le risque de ne pas bénéficier d’un procès équitable dans son pays. Allant plus loin dans sa défense, il prend ainsi appui sur le principe de confiance mutuelle qui régit la coopération judiciaire en général et le mandat d’arrêt en particulier. Pour étoffer son argumentation d’une violation de l’article 6 de la CEDH, sa remise l’exposant dans son pays à un risque réel de déni de justice flagrant, M. Celmer se base en particulier sur la proposition motivée de la Commission, du 20 décembre 2017 dans laquelle celle-ci invite le Conseil de l’UE à constater l’existence d’un risque clair de violation grave de l’Etat de droit en Pologne suite aux réformes législatives en matière judiciaire. Lire la suite

Winter is coming : la Hongrie, la Pologne, l’Union européenne et les valeurs de l’Etat de droit

Le vote de la résolution du Parlement européen invitant le Conseil à constater l’existence d’un risque clair de violation grave des valeurs de l’Union par la Hongrie, le 12 septembre 2018, était particulièrement attendu. Parce qu’il était une première dans l’histoire de l’Union européenne, bien sûr, mais aussi et surtout parce qu’il s’inscrivait dans un contexte particulièrement lourd pour une Union en proie aux doutes, à la veille du départ de l’un de ses membres comme à celle d’élections parlementaires problématiques.

D’aucuns estimeront que l’adoption de cette résolution parlementaire est un signe d’espoir, une prise de conscience salutaire de dérives devenues inacceptables dans une Communauté de droit. D’autres, anticipant ses suites procédurales vraisemblables devant les Etats membres, ne voient là qu’un coup d’épée dans l’eau d’un processus communautaire dont la désaffection dans les opinions publiques est patente. Tous, en réalité, semblent avoir assimilé que l’arme « nucléaire » dont on aimait qualifier la procédure de l’article 7 du traité n’a guère de portée destructrice et que le mal est profond malgré le souhait majoritaire d’y porter remède. Lire la suite

L’affaire Carles Puigdemont : le droit pénal européen en crise de confiance

Le 21 mars 2018, la justice espagnole a émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre du président du gouvernement régional catalan, Carles Puigdemont. Les autorités espagnoles ont demandé qu’il soit poursuivi et remis à ces dernières pour des faits de « rébellion » et de « corruption » prenant la forme de détournement de fonds publics. Les allégations sont fondées sur les activités de M. Puigdemont dans le conflit de longue date entre la Catalogne et le gouvernement central espagnol au sujet de l’indépendance de la Catalogne. Le prévenu aurait, entre autres, appelé à un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, alors que celui- ci avait été précédemment reconnu comme illégal par la Cour constitutionnelle espagnole. La mise en œuvre du référendum, le matériel, les documents nécessaires pour le vote et les autres mesures mises en place dans ce cadre ont entraîné une dépense de 1,6 millions d’euros mais aussi des affrontements violents avec les forces de l’ordre. Lire la suite

L’arrêt David Piotrowski de la Cour de justice : confiance mutuelle 1 – spécificité du droit pénal des mineurs 0

A ce jour, l’unique moyen de prendre la situation d’un enfant en considération dans la procédure du mandat d’arrêt européen consiste à recourir au motif de non-exécution obligatoire de l’article 3.3 de la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002. En effet, si la directive 2016/800 (UE) assoit depuis peu la nécessité d’une procédure particulière en matière de délinquance juvénile, les instruments de coopération judiciaire dans l’ELSJ ne distinguent toujours pas le mineur du majeur.

L’arrêt Dawid Piotrowski (C-367/16) rendu le 23 janvier 2018 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’attelle, enfin, à l’interprétation de ce motif de non-exécution obligatoire et revêt de ce fait une importance capitale en matière de droit pénal des mineurs. Lire la suite

« Reconnaissance mutuelle » et « Confiance mutuelle » dans le discours de la Commission et de la Cour de justice (à propos de l’actualité récente) : entre posture et culture !

Une fois n’est pas coutume, ce billet (de bonne humeur) porte un regard plutôt extérieur à l’Espace de liberté, de sécurité et de justice.

Une proposition de la commission (Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à la reconnaissance mutuelle des biens commercialisés légalement dans un autre État membre, présentée le 13 mars 2018) et un arrêt de la Cour de justice (CJUE (Gde ch.), 6 mars 2018, Achmea, C-284/16) sont l’occasion d’évoquer la pratique langagière de ces deux institutions en matière de « reconnaissance mutuelle » et de « confiance mutuelle ». Mobilisateurs d’une posture sans doute contestable de droit européen (UE), ces éléments de langage traduisent l’existence d’une véritable culture juridique européenne.

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L’affaire Altun : fraude et absence de coopération loyale, les conditions d’une non prise en compte des certificats E 101 des travailleurs détachés

Dans l’arrêt Altun (C-359/16) rendu par la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne le 6 février dernier, les juges de Luxembourg ont eu une nouvelle fois l’occasion de se prononcer sur l’épineuse question de la compétence des institutions d’un État membre accueillant des travailleurs détachés de soumettre ces travailleurs à leur législation de sécurité sociale lorsqu’elles estiment qu’il serait légitime et légal de le faire. Ils l’ont fait avec un certain retentissement. Lire la suite

Les crises de l’ELSJ / Las crisis del ELSJ – dir. H. Labayle, J. I. Ugartemendia Eceizabarrena – EUi 12/2017

 

 

Les crises de l’espace de liberté, sécurité, justice / Las crisis del espacio de libertad, seguridad y justicia

dir. H. Labayle, J. I. Ugartemendia Eceizabarrena

EUi 12/2017, 390 p.

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L’affaire A-Rosa (C-620/15) : dumping social ou occasion manquée par la France de soumettre des travailleurs navigants à sa législation de sécurité sociale ?

L’affaire A-Rosa (C-620/15), dans laquelle la Cour a rendu un arrêt attendu, le 27 avril dernier, concerne l’épineuse question des travailleurs qui exécutent l’intégralité de leur prestation de travail dans un État membre mais sont soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre. En effet, l’État membre dans lequel les prestations de travail sont accomplies voit dans cette situation un manque à gagner important en termes de cotisations sociales. Dans un contexte où l’euroscepticisme prend une place non négligeable dans le débat public, cette affaire représentait donc un enjeu important. Lire la suite

L’ELSJ est l’avenir de l’UE !

Et si l’ELSJ était bel et bien l’avenir de l’Union européenne ? Sur bon nombre de sujets difficiles qui questionnent aujourd’hui la construction européenne, les concrétisations de l’Espace de liberté, sécurité et justice se trouvent comme placées à l’avant-garde de ce qui pourrait être le droit européen de demain.

On peut en faire la remarque au titre de la confiance mutuelle, du Parquet européen et du Brexit.

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