La modification en cours du « Code frontières Schengen », la libre circulation comme exception ?

Été 2018, c’est le nouvel horizon que s’est fixée la Commission dans une communication du 7 décembre 2017, afin de parvenir à la suppression définitive des contrôles aux frontières au sein de l’espace Schengen, un espace qui, en principe, en est dépourvu. Suite à la crise migratoire de 2015, le Conseil européen des 18 et 19 février 2016 s’était donné comme objectif celui d’endiguer rapidement les flux migratoires et de préserver l’intégrité de l’espace Schengen. Dans une communication du 4 mars 2016, la Commission, désireuse d’obtenir la levée de l’ensemble des contrôles aux frontières intérieures, entendait « revenir à l’esprit de Schengen ».

Pourtant, ces contrôles ont été maintenus et l’échéance d’un retour à un espace décloisonné n’a cessé d’être reportée. Si l’on en croit cette communication de décembre 2017, l’échéance annoncée serait la bonne. Pourtant, et c’est le paradoxe qu’il importe de mettre en évidence, le retour à un espace sans frontières intérieures, à supposer qu’il se concrétise effectivement à ladite échéance, se réalise dans le cadre d’un mouvement tendanciel selon lequel la libre circulation, mentionnée à l’article 3§2 du traité UE, tend à devenir, non plus le principe, mais au contraire, l’exception. Lire la suite

Les crises de l’ELSJ / Las crisis del ELSJ – dir. H. Labayle, J. I. Ugartemendia Eceizabarrena – EUi 12/2017

 

 

Les crises de l’espace de liberté, sécurité, justice / Las crisis del espacio de libertad, seguridad y justicia

dir. H. Labayle, J. I. Ugartemendia Eceizabarrena

EUi 12/2017, 390 p.

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Une fois n’est pas coutume : parler vrai des propositions du Front national

L’indifférence avec laquelle un monde académique mithridatisé tolère aujourd’hui les contrevérités assénées dans une campagne électorale qui s’égare est désolante pour qui se fait une autre idée de la fonction de ceux qui se prétendent « intellectuels ». A peine sorti de l’ornière dans laquelle les « affaires » avaient ensablé le premier tour, le débat public semble désormais vrillé par la recherche obsessionnelle d’un bouc émissaire dont l’Union européenne ferait les frais. Il marque une prédilection pour les questions migratoires et sécuritaires plus rentables électoralement que les volte-face sur la monnaie unique.

On en comprend le bénéfice : contourner la réalité en la redessinant au gré de ses pulsions, le plus souvent peu avouables même si le naturel reprend souvent le dessus. De façon artificielle, l’enjeu électoral de cette fin de semaine opposerait ainsi « nationalistes » et « patriotes » au sein d’un univers fantasmé, dépourvu de toute rationalité, où le « peuple » affronterait les « élites », ceci dans la démagogie la plus complète et l’attente d’un retour à la lampe à huile et au métier à filer de nos aïeules.

La tenue d’un Blog dédié depuis plusieurs années à la construction d’un Espace de liberté, sécurité et justice et consacré bien trop souvent à en dénoncer les limites autorise les signataires de ces lignes à proposer à ses lecteurs des éléments objectifs de réflexion. Faute d’une réaction d’ampleur de la nature de celle d’avril 2002, appeler à l’intelligence des choses est sans doute le meilleur des réflexes quand la banalisation de l’intolérance et du mensonge tout autour de nous, dans nos cercles professionnels et privés, inquiète. Lire la suite

La modification discrète du Code Frontières Schengen par le règlement 2016/1624 relatif au corps européen de garde-frontières : comblement d’une lacune ?

Le Conseil des ministres a adopté le 11 novembre 2016 une nouvelle décision permettant à cinq Etats Schengen de prolonger pour trois mois supplémentaires des contrôles aux frontières intérieures en cas de circonstances exceptionnelles. Cette décision faisant suite à celle du 12 mai 2016 qui avait autorisé ces contrôles pour six mois pose question au regard d’une modification de sa base juridique, à savoir, l’article 29 du Code Frontières Schengen (CFS, règlement 2016/399). En effet, le paragraphe 1er de cet article a été modifié récemment par l’article 80 du règlement 2016/1624 du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Lire la suite

Frontières de l’Union : chronique d’une “recommandation” annoncée ou la flétrissure

Le 12 mai 2016, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2016/894 « arrêtant une recommandation relative à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures en cas de circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de l’espace Schengen » (ci-après, « décision d’exécution »). Celle-ci se base notamment sur l’article 29 du Code frontières Schengen (ci-après, « CFS ») qui prévoit une « procédure spécifique » tendant à la réintroduction d’un tel contrôle. C’est la première fois que cette procédure, ajoutée au CFS par le règlement n°1051/2013, trouve à s’appliquer. Lire la suite

Brexit : questions de frontières entre l’Union et le Royaume Uni

Les commentaires du feuilleton politico médiatique accompagnant le feuilleton du Brexit ne sont pas à la hauteur de ses enjeux. Les mêmes qui stigmatisent les mensonges et approximations de la campagne référendaire britannique, trouvent logique de sacraliser le procédé référendaire qui l’a conclue, comme si cette technique était un modèle à révérer dans une démocratie accomplie. Elle appelle pourtant presque par nature de prendre de telles libertés avec la vérité.

Oublieux qu’ils sont des conditions dans lesquelles les « non » de 2005 s’étaient agrégés, ils persistent à penser que l’on peut répondre de façon binaire à des questions complexes et nourrissent l’illusion démocratique. L’inconséquence de Boris Johnson a-t-elle quoi que ce soit à envier aujourd’hui au « plan B » de Laurent Fabius et mêler les voix de Jean Luc Mélenchon et du Front national avait-il un sens à l’époque ?

C’est dire si les nouveaux chantres de la (dé)construction européenne ignorent l’essentiel. Parmi les questions brûlantes passées par pertes et profits dans le débat et que découvrent les citoyens britanniques, celle de la redéfinition des frontières extérieures du Royaume Uni n’est pas la moindre. Qu’il s’agisse du maintien de situations antérieures, à Gibraltar comme aux abords du tunnel sous la Manche, ou de l’appréhension nouvelle des relations avec la République d’Irlande, les défis sont sérieux. Ils ne sont pas de même nature. Lire la suite

Cherche désespérément solidarité : quand la saga de l’asile dans l’Union européenne continue

La « crise des réfugiés” a disparu des manchettes des journaux européens, bien sûr en partie à cause des attaques terroristes de Bruxelles, mais apparemment aussi parce que l’accord entre l’Union européenne et la Turquie conclu le 18 mars dernier semble avoir atteint son véritable objectif, au moins temporairement. Celui-ci consistait à empêcher les migrants, y compris les demandeurs d’asile, de quitter la Turquie en direction de la Grèce. Lire la suite

Desperately searching for solidarity : the EU asylum saga continues

The “refugee crisis” has disappeared from the headlines of European news, of course in part because of the Brussels terror attacks, but also apparently because the agreement between the EU and Turkey concluded on 18th March seems, at least temporarily, to have reached its real goal: preventing migrants, including asylum seekers, from leaving Turkey in the direction of Greece. However, this does not mean that the crisis is over, even if the EU and its Member States want to forget this difficult chapter in their history. Lire la suite

La Marche turque : quand l’Union sous-traite le respect de ses valeurs à un Etat tiers

par Henri Labayle, CDRE, et Ph. De Bruycker, Omnia

Le Conseil européen réuni le 7 mars était supposé examiner l’état d’avancement du Plan d’action entre l’Union européenne et la Turquie, conclu en novembre 2015. L’idée était que, faute de résultats probants, d’autres mesures soient arrêtées. L’arrivée d’une moyenne de 2000 personnes par jour en Grèce depuis le début du mois de janvier plaidait en ce sens.

Pour certains Etats membres, le «Plan B » consistait à fermer les frontières extérieures de l’espace Schengen, quitte à plonger la Grèce dans une crise absolue. Le président du Conseil européen y était favorable puisqu’un projet de conclusions du Conseil ayant fuité à la fin du week-end et largement repris dans la presse faisait état d’une « fermeture de la route des Balkans ». Lire la suite