Brexit : la fin du commencement ? (1ère partie)

Jeu, set et match … La formule attribuée à John Major au lendemain du traité de Maastricht a été largement reprise par la presse à propos du Brexit, après que les lignes directrices d’un compromis entre la Commission et le Royaume Uni aient été arrêtées sous la forme d’un « join report » (TF50 (2017)19). Ici, cependant, et sans qu’aucun tie-break ait laissé entrevoir un brin d’espoir aux négociateurs britanniques, peu de doutes sont permis quant à l’issue de ce bras de fer et l’identité de son vainqueur.

On se souvient que, le Royaume Uni ayant notifié le 29 mars 2017 son intention de se retirer de l’Union européenne, conformément à l’article 50 TUE, le Conseil européen avait dessiné le cadre de la procédure à suivre. Le 29 avril 2017, il avait adopté une série d’orientations politiques à partir desquelles, le 22 mai 2017, le Conseil Affaires générales avait fixé les directives de négociation imposées à la Commission.

Ces dernières dessinaient fermement un processus graduel et ordonné. Sa première étape s’est achevée avec la publication de la communication (COM (2017) 784) recommandant au Conseil européen de constater que « des progrès suffisants » avaient été réalisés pour passer à une phase ultérieure destinée à fixer précisément les conditions de l’accord mentionné par l’article 50 TUE dans les deux ans prévus c’est-à-dire avant le 29 mars 2019. Lire la suite

Le juge national compétent en cas d’atteinte aux droits de la personnalité sur Internet selon la CJUE : les voies de passage de l’ancien monde au nouveau monde

L’arrêt Bolagsupplysningen (CJUE GC 17 octobre 2017, C‑194/16) est une révolution tranquille. Prenant appui sur les solutions antérieures tout en les réaménageant fortement, il fait basculer l’approche multisite des atteintes aux droits de la personnalité sur Internet dans un nouveau monde où la localisation de ces atteintes, en cas de demande de retrait ou de modification des contenus sur Internet, se résume en pratique à deux chefs principaux de compétence : le juge du défendeur et le juge du demandeur[1].

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La révision de la directive relative au détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services : texte et contexte

Entre libertés de circulation et protection du marché national de l’emploi, la question du détachement transnational de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services pose le problème de l’équilibre à trouver entre plusieurs objectifs contradictoires. Les exigences du droit de l’Union d’une part, spécialement concernant le caractère fondamental de la libre prestation de services qui ne peut subir d’entraves que dans des cas strictement limités et proportionnés. Les intérêts des entreprises ensuite, qui, grâce à la libre prestation de services, peuvent par exemple remporter des marchés publics dans des pays à forte protection sociale, pour un coût plus faible que les entreprises nationales. Lire la suite

Refuge ou asile ? La situation de Carles Puigdemont en Belgique au regard du droit de l’Union européenne

Quoique largement circonscrite à la Belgique, l’agitation médiatique provoquée par l’arrivée à Bruxelles de Carles Puigdemont et de certains de ses proches soulève d’intéressants points de droit quant à leur situation sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union. Attisée par les déclarations imprudentes d’un secrétaire d’Etat belge à l’Asile et à la Migration, Theo Francken, cette présence a réveillé d’anciennes querelles entre les deux royaumes concernés tenant tout à la fois à la possibilité pour la Belgique d’accorder l’asile à l’intéressé (1) et, à défaut, de constituer un refuge face aux éventuelles poursuites intentées à son égard par les juridictions espagnoles (2). Lire la suite

Première interprétation du règlement « successions » : variations autour de la (non) adaptation des droits réels.

Faisant suite à des conclusions de l’avocat général Yves Bot publiées le 17 mai 2017, la Cour vient de prononcer un arrêt très intéressant concernant le règlement (UE) n° 650/2012 relatif aux successions internationales (CJUE (2ème ch.), 12 oct. 2017, Kubicka, C-218/16). Dans cette affaire, qui est la première portée devant la Cour – d’autres étant déjà enrôlées –, l’enjeu résidait dans la délimitation du domaine de la loi successorale et de la loi réelle. Lire la suite

La Catalogne et l’Union européenne : une question de légalité

Les querelles relatives à l’indépendance de la Catalogne ne sont pas indifférentes à l‘espace de liberté, de sécurité et de justice constitué par l’Union européenne. De l’appartenance de la Catalogne au Royaume d’Espagne dépend en effet son appartenance à cette Union européenne et donc son maintien dans cet espace ouvert à la libre circulation et à l’entraide répressive.

Quoi que prétendent les uns ou fantasment les autres, la question n’est pas une question d’opportunité mais, beaucoup plus simplement, de légalité. Légalité du processus entamé par les tenants de l’indépendance, surtout, mais aussi légalité des modalités selon lesquelles l’Union pourrait faire place à une Catalogne indépendante.

Faute de trouver dans le débat médiatique européen le rappel de quelques principes juridiques de bon sens, il n’est pas inutile de faire le point sur une crise inédite. Lire la suite

Surveillance de la correspondance électronique des salariés : un encadrement significatif par la Cour EDH (Réflexions à propos de l’arrêt Barbulescu c. Roumanie)

Surveillance de la correspondance électronique des salariés : un encadrement significatif par la Cour EDH (Réflexions à propos de l’arrêt Barbulescu c. Roumanie)

 

C’est un message fort qu’a adressé la Cour européenne des droits de l’homme aux entreprises privées, s’agissant de la surveillance qu’elles exercent sur la correspondance électronique de leurs salariés dans son arrêt Barbulescu C. Roumanie rendu le 5 septembre 2017 (req. n° 61496). La solution adoptée est appelée à avoir d’autant plus d’écho qu’elle a été rendue par la grande chambre, sur renvoi de l’affaire, après que la chambre saisie ait abouti, le 12 janvier 2016, à un constat de non violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), relatif à la protection de la vie privée. Lire la suite

La solidarité n’est pas une valeur : la validation de la relocalisation temporaire des demandeurs d’asile par la Cour de justice (CJUE, 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie c. Conseil, C-643/15 et C-647/15)

La rentrée judiciaire de l’automne 2017 était attendue impatiemment et le prononcé de l’arrêt Slovaquie et Hongrie contre Conseil, le 6 septembre, s’inscrivait en première ligne de cette attente. Le contexte en est connu, celui du refus des pays du groupe de Visegrad de se plier au programme de relocalisation des réfugiés initié au plus fort de la crise migratoire par l’Union. Deux d’entre eux l’avaient porté devant la Cour de justice.

La lecture des remarquables conclusions de l’avocat général Bot laissait entrevoir la possibilité d’un « grand arrêt ». Les enjeux en cause comme la nature des principes invoqués invitaient la Cour à une hauteur de vue à la mesure inverse des arguments développés par les requérants. L’occasion lui était offerte à peu de frais, par un arrêt clair et courageux, de se joindre au concert critique affectant certains nouveaux Etats membres quant à leur comportement lors de la crise de 2015. Peut-être même de réparer l’impression mitigée laissée par sa jurisprudence relative aux visas dits humanitaires et à l’accord UE-Turquie concernant cette période. Elle n’en a pas ressenti la nécessité, dans une Union doutant pourtant de son projet et de ses valeurs, préférant ainsi le biais à l’affirmation et l’omission à la condamnation. Lire la suite

Protection et circulation des personnes : le grand chambardement (à propos de 4 ouvrages récents) !

La protection et la circulation des personnes, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’espace juridique européen, entre cet espace et les pays tiers, font partie de ces thématiques en perpétuel questionnement. L’impression qui peut être éventuellement aujourd’hui la nôtre d’une accélération de l’histoire avec ce que l’on appelle volontiers « la crise des migrants » est évidemment trompeuse.

Mais sur un terrain strictement juridique, les choses sont sans doute un peu différentes. De profondes transformations sont à l’œuvre et quatre publications récentes(*) permettent de dresser un aperçu sans doute assez complet du type de réflexions qui se nourrissent de ces évolutions.

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Accord PNR UE-Canada : validation par la CJUE du système PNR, des modalités à revoir ! ( réflexions sur l’avis 1/15 de la CJUE, 26 juillet 2017)

La messe est dite ! Le très attendu avis 1/15 de la Cour de Justice de l’Union européenne relatif à l’accord PNR UE-Canada conclut enfin la très longue polémique suscitée par les accords PNR et la directive éponyme 2016/681 de l’UE du 27 avril 2016.

Après plusieurs arrêts historiques mettant au premier plan le droit fondamental à la protection des données (arrêts Digital Rights Ireland Ltd, C-293/12 & C-594/12, 8 avril 2014 et Schrems, C-362/14, 6 octobre 2015), la Cour de Justice, dans un contexte européen marqué par le terrorisme, a choisi la voie du juste milieu et valide ainsi le très controversé système PNR dans son principe – ce qui n’allait pas de soi – tout en censurant un certain nombre de ses modalités de mise en œuvre. C’est ainsi une décision équilibrée qu’elle rend aujourd’hui, dans la logique des conclusions de l’Avocat général Mengozzi (conclusions du 8 septembre 2016, commentées ici-même). Dans la mesure où l’articulation de l’argumentation de la Cour ainsi que son contenu sont pour l’essentiel le reflet de ces conclusions, nous nous arrêterons ici sur quelques réflexions spécifiques sans souci d’exhaustivité, à savoir la validation du système PNR (I) et son encadrement par le juge (II).

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