La réaction de l’Union aux attentats terroristes de Paris : que tout change pour que rien ne change ?

par Henri Labayle, CDRE

Sans surprises, le débat dans l’Union relatif à la lutte contre le terrorisme le demeure. Un mois plus tard, l’émotion provoquée dans l’opinion publique par les attentats parisiens n’est en rien relayée de façon opérationnelle par les Etats membres, davantage désireux de récupération politique et de déploiement de dispositifs sécuritaires que de souci d’analyse et donc d’efficacité.

A la veille du Conseil européen programmé les 12 et 13 février prochains et consacré à la lutte contre la violence terroriste, le contraste des postures respectives des Etats membres et des institutions de l’Union est révélateur des arrières pensées des uns et des autres. Il n’augure rien d’encourageant. Lire la suite

Avis 2/13 de la CJUE : l’accord d’adhésion de l’UE à la CEDH méconnaît les caractéristiques spécifiques du droit de l’Union concernant le contrôle juridictionnel en matière de PESC. Et après ?

par Géraldine Bachoué Pedrouzo, CDRE

L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme est bien un « serpent de mer » (D. Szymczak, « L’adhésion de l’Union européenne à la CEDH : Serpent de mer ou Hydre de Lerne ? », Politeïa, 2008, p. 405) tant elle tarde à se concrétiser. L’avis 2/13 rendu le 18 décembre 2014 par la Cour de justice de l’Union européenne le confirme : le projet d’accord d’adhésion y est jugé comme n’étant « pas compatible avec l’article 6 §2 TUE ni avec le protocole (n° 8) relatif à l’article 6 §2 du TUE sur l’adhésion de l’UE à la CEDH ». La cohabitation des deux Cours suprêmes européennes au sein d’un même système juridictionnel de garantie des droits fondamentaux s’en trouve exclue, comme le décrivait ici Henri Labayle au lendemain de l’avis. Lire la suite

Réponses au terrorisme après les attentats de Paris : le syndrome du réverbère

par Henri Labayle, CDRE

Avec l’intelligence qu’on lui connaît, dans un grand quotidien, Jean Louis Bourlanges, ancien président de la commission Libé du Parlement européen, mettait en garde l’opinion publique quant à une « sur-réaction » bridant les libertés publiques, au lendemain des attentats terroristes de Paris.

Son conseil de ne pas céder à la “tentation du réverbère”, celle qui consiste à chercher sa clé là où il y a de la lumière et non pas là où elle se trouve, est le bienvenu. Le discours politique ambiant laisse craindre, pourtant, qu’il ne soit déjà trop tard. Dans la lumière, le bouc émissaire du discours politique est désigné : l’Europe, bien sûr, de ses juges à son Parlement en passant par Schengen. Dans l’ombre, là où se trouve la clé, les complaisances et défaillances multiples de ses Etats membres. Lire la suite

Terrorisme : le jour d’après

 

Sans titre

 

 

 

 

 

 

par Henri Labayle et Rostane Mehdi

Les assassinats commis au journal Charlie Hebdo ne nous sont pas étrangers. Ni le citoyen, ni le juriste, ni l’observateur des développements de l’Espace de liberté, sécurité et de justice ne peuvent y être indifférents. Ils nous invitent, par delà le dégoût et l’émotion, à réfléchir aux grands équilibres de nos sociétés contemporaines et à la place que le droit peut y tenir.

On ne peut qu’être surpris et anéantis devant le spectacle, au XXI° siècle, d’une société occidentale incapable d’interrompre la chronique inexorable de meurtres annoncés par le fanatisme et l’obscurantisme religieux, chaînon supplémentaire à l’abomination quotidienne qui ensanglante le Proche Orient. Lire la suite

Précisions jurisprudentielles sur la protection des étrangers dans le droit de l’Union : un acte manqué ?

par Joanna Pétin, CDRE

La situation des ressortissants de pays tiers malades dans l’Union européenne, du point de vue de l’accueil ou encore de l’éloignement du territoire, ouvrent des problématiques éminemment sensibles. L’affaire S.J. contre Belgique jugée par la Cour européenne des droits de l’homme le 27 février 2014, dont le renvoi en Grande Chambre a été demandé le 7 juillet, souligne en ce sens que « la souffrance due à une maladie survenant naturellement, qu’elle soit physique ou mentale, peut relever de l’article 3 si elle se trouve ou risque de se trouver exacerbée par un traitement – que celui-ci résulte de conditions de détention, d’une expulsion ou d’autres mesures – dont les autorités peuvent être tenues pour responsables » (CEDH, 27 février 2014, S.J. contre Belgique, n°70055/10, §118).

Si la Cour de Strasbourg a développé une jurisprudence spécifique dans ce domaine (v. en ce sens notamment, CEDH, 2 mai 1997, D. contre Royaume-Uni, n°30240/96 ; CEDH, G.C., 27 mai 2008, N. contre Royaume-Uni, n°26565/05), la Cour de justice, jusqu’à ce 18 décembre 2014, n’avait pas été amenée à se positionner sur ce terrain. Saisis de deux renvois préjudiciels, dans les affaires M’Bodj et Moussa Abdida, les juges de Luxembourg viennent de dessiner les contours de la protection offerte aux étrangers malades sur le territoire européen. Lire la suite

La guerre des juges n’aura pas lieu. Tant mieux ? Libres propos sur l’avis 2/13 de la Cour de justice relatif à l’adhésion de l’Union à la CEDH

par Henri Labayle, CDRE

Il était attendu par beaucoup, craint par certains, espéré par d’autres. L’avis 2/13 de la Cour de justice rendu le 18 décembre 2014 à propos de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme est, en définitive, un avis négatif. Le projet d’accord d’adhésion y est jugé comme n’étant ni « compatible avec l’article 6 §2 TUE ni avec le protocole n° 8 relatif à l’article 6 §2 du TUE » relatif à l’adhésion de l’UE à la CEDH.

En l’état donc, la cohabitation des deux Cours suprêmes européennes au sein d’un même système juridictionnel de garantie des droits fondamentaux est exclue, à l’inverse de ce que la lettre du traité sur l’Union européenne laissait envisager et que les amateurs de rapports de système escomptaient. Avant de s’interroger sur les conséquences de cet avis faisant obstacle à l’adhésion de l’UE à la CEDH, il est bon d’en rappeler le contexte.

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L’examen de la crédibilité d’une demande de protection fondée sur l’orientation sexuelle : vers une reconnaissance de la vulnérabilité des demandeurs homosexuels par la CJUE ?

par Joanna Pétin, CDRE

L’accès à la protection internationale des personnes lesbiennes, gays et transgenres (LGBT) est une problématique sensible. Elle préoccupe autant les milieux académiques (v. notamment FRA, Homophobie, transphobie et discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, 2010, p. 61 et s. ; S. Jansen et T. Spijkerboer, Fleeing homophobia. Asylum claims related to sexual orientation and gender identity in Europe, Septembre 2011; Revue Migrations Forcées, Orientation sexuelle et identité de genre et protection des migrants forces, n°42, Juin 2013) que les prétoires européens (v. récemment CEDH, 26 juin 2014, M.E. contre Suède, n°71398/12).

Alors que l’octroi du statut de réfugié à une personne risquant d’être persécutée du fait de son orientation sexuelle est accepté depuis longtemps par le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR), cette possibilité a été explicitement reconnue au niveau de l’Union européenne à l’occasion de l’affaire X., Y. et Z. jugée par la CJUE le 7 novembre 2013 (CJUE, 7 novembre 2013, X., Y. et Z., aff. jtes C-199/12 à C-201/12 ; commentée sur ce site). Une question restait pourtant pendante, celle de l’évaluation de la crédibilité des déclarations d’un demandeur de protection homosexuel, étape cruciale de tout processus de détermination. Complexe autant que sensible, la tâche est ardue, entraînant des dérives dans certains Etats membres, à l’instar de la pratique de tests phallométriques notamment effectués par les autorités tchèques (v. également le point 54 des conclusions parlant des listes noire et grise des pratiques en la matière). Lire la suite

Obligations positives des Etats parties à la CEDH et séjour irrégulier : pour un meilleur usage de la subsidiarité juridictionnelle par la CEDH

par Henri Labayle, CDRE

Dans le climat politique entourant actuellement la Cour européenne des droits de l’Homme et la conception qu’elle se fait de sa fonction, l’arrêt de Grande Chambre rendu le 4 octobre 2014 dans l’affaire Jeunesse c Pays bas apporte un éclairage brutal aux divergences de points de vue que l’on sait.

Une banale affaire de respect des droits tirés de l’article 8 de la CEDH en matière de refus de titre de séjour est en effet l’occasion d’une opposition exprimée frontalement par trois juges, dont le juge britannique, dans leur opinion dissidente. Lire la suite

Questions pour les candidats aux postes de commissaires en charge de l’Espace de liberté, sécurité et justice

par Emilio de Capitani, Henri Labayle et Steve Peers, 

Les commissaires pressentis à la Justice et à l’immigration seront prochainement auditionnés par le Parlement européen, lequel sera amené à confirmer les choix de Jean Claude Juncker. Déjà, les députés ont posé des questions écrites auxquelles les candidats ont répondu, de façon assez générale aussi parce que les questions des commissions parlementaires n’étaient pas particulièrement pointues, sauf en matière de protection des données.

Cependant, les auditions sont l’occasion pour les députés de vérifier les dires des commissaires et d’obtenir des engagements politiques. A cette fin, nous souhaitons suggérer  un certain nombre d’interrogations aux   députés qui auront la chance de pouvoir poser des questions orales pendant les auditions. Lire la suite

La promotion des valeurs de l’Union et de la dignité des droits de l’étranger en situation irrégulière par son avocat général sera-t-elle entendue par la Cour de justice ?

par Joana Pétin, CDRE

La dignité de la personne humaine est sans doute « la quintessence des valeurs par lesquelles nous affirmons ensemble que nous sommes une seule communauté humaine » (P. Lambert, « Les droits de l’homme à l’épreuve du principe de la dignité humaine », in Mélanges en l’honneur du Professeur Petros J. Pararas, Les droits de l’homme en évolution, Bruylant, 2009, p.333-348).

L’Union européenne participe de cette affirmation. Le Traité de Lisbonne ayant procédé à la reconnaissance de la valeur juridique contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la dignité humaine est désormais placée au premier rang des valeurs fondatrices de l’Union. S’appuyant sur cette réalité juridique de façon remarquable, l’avocat général Yves Bot vient de proposer à la Cour de justice d’en tirer les conséquences, dans ses conclusions sur l’affaire Moussa Abdida rendues le 4 septembre dernier. Lire la suite