Le paquet législatif “Frontières intelligentes”, défense et illustration par la Commission d’un parfait oxymore : une Europe ouverte et sûre

par Sylvie Peyrou, CDRE Bayonne 

Faisant suite à sa Communication du 25 octobre 2011 relative aux « frontières intelligentes », la Commission européenne a présenté le 28 février dernier un paquet de mesures, visant à assurer une Europe « ouverte et sûre », comme elle l’indique dans un mémo publié à cette date, c’est-à-dire visant à faciliter les procédures d’entrée dans l’Union au niveau des frontières extérieures tout en améliorant la sécurité. Ce paquet de mesures prend la forme de deux propositions de règlement, l’un relatif à un programme d’enregistrement des voyageurs (Registered Traveller Programme, RTP), l’autre à un système entrée/sortie (Entry/Exit System, EES). Lire la suite

De l’applicabilité pour le moins déroutante de la directive Retour à un citoyen européen, CA Paris, ordonnance 23 février 2013, X. c. Préfet de l’Essonne

par Valérie Michel, CERIC

Le temps des esprits chagrins regrettant que le juge fasse montre d’une certaine résistance envers l’applicabilité du droit de l’Union relève d’une époque révolue. Mais sur cette question de l’applicabilité et de l’application du droit de l’Union, il semble qu’il y encore une certaine marge de progression possible. Lire la suite

Mise en oeuvre du droit de l’Union et principe ne bis idem … précisions jurisprudentielles sur l’applicabilité de la Charte des droits fondamentaux

par Laura Delgado, CDRE

La Cour de Justice s’est prononcée, le 26 février 2013, dans un arrêt Fransson (C-617/10), sur les sanctions imputables au manquement à des obligations fiscales, notamment en matière de TVA, délivrant à cette occasion des enseignements déterminants

En l’espèce, Monsieur Fransson, un contribuable suédois, se plaignait d’être poursuivi pour fraude fiscale devant la juridiction pénale, après avoir acquitté une amende fiscale consécutive au non-respect de ses obligations déclaratives en matière de TVA. Il soutenait que ce cumul de sanction était contraire au principe ne bis in idem garanti par l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et l’article 4 du Protocole 7 de la CEDH. La décision de sanction fiscale étant motivée par les mêmes faits, le Haparanda tingsrätt avait décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour 5 questions préjudicielles. Lire la suite

Mandat d’arrêt européen et degré de protection des droits fondamentaux, quand la confiance se fait aveugle

par Henri Labayle, CDRE

Il était très attendu. L’arrêt Melloni (C-399/11) rendu le 26 février 2013 par la Cour de justice sur des conclusions conformes d’Yves Bot apporte un éclairage déterminant à la problématique de la protection des droits fondamentaux dans l’Espace de liberté, sécurité et justice, à l’occasion de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

Sollicitée par le Tribunal constitutionnel espagnol qui l’interrogeait sur le point de savoir dans quelles conditions l’exécution d’un mandat d’arrêt européen (MAE) délivré aux fins d’exécuter un jugement par défaut peut être réalisée si le droit de l’Etat d’exécution requiert un nouveau jugement dans l’Etat d’émission, la Cour était confrontée à la disparité de la protection des droits fondamentaux dans l’Union. Lire la suite

Recours effectif et procédure accélérée en matière d’asile : l’écho luxembourgeois de la jurisprudence de la CEDH

par Joanna Petin, CDRE

Tout comme l’affaire N.S. a fait écho à Luxembourg à la jurisprudence M.S.S. de la CEDH, l’arrêt H.I.D et B.A (C-175/11). rendu le 31 janvier 2013 par la Cour de justice de l’Union parait répondre aux enseignements de l’arrêt I.M. contre France dont avait eu à connaitre la Cour européenne des droits de l’homme, le 2 février 2012. Dans les deux affaires, étaient en cause les procédures prioritaires (ou accélérées) d’examen de demande de protection internationale face aux exigences du droit à un recours effectif. Lire la suite

Droits fondamentaux et reconnaissance mutuelle : une jurisprudence troublante ou simplement prudente ?

par Laura Delgado, CDRE

Le Traité de Lisbonne marque une étape majeure dans l’évolution des droits fondamentaux en Europe. Donnant à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (CDFUE), la «  même valeur juridique que les traités », il lui octroie une place centrale dans l’architecture constitutionnelle de l’UE. Si sa valeur juridique n’est plus contestée, la détermination de son champ d’application dans un Espace de Liberté Sécurité et Justice où l’entraide répressive est « fondée » sur le principe de reconnaissance mutuelle pose néanmoins problème.

L’acuité de cette question se révèle chaque jour, tant et si bien que depuis 2011, la Cour de Justice a du répondre à de nombreuses reprises à la question de la place des droits fondamentaux dans les mécanismes de reconnaissance mutuelle. L’arrêt Radu, rendu le 29 janvier 2013 (C-396/11), était particulièrement attendu sur ce point. Son laconisme n’en est que plus décevant. Lire la suite

Une présidence irlandaise de l’ELSJ : pour quoi faire ?

par Henri Labayle, CDRE

Le vert porte chance, paraît-il, et le trèfle plus encore … Il en faudra beaucoup à la présidence irlandaise de l’Union qui vient d’entrer en fonction pour parvenir à redresser le bilan d’un Espace de liberté, de sécurité et de justice loin de tenir les promesses que le traité de Lisbonne laissait entrevoir.

Le savoir-faire ne lui manquera pas, accoutumée qu’elle est au monde communautaire depuis quarante ans et assez habile à mener ses présidences antérieures. Du courage, elle en a fait la preuve à la fois dans le choix de son appartenance à la zone euro et dans sa capacité à se dégager de la crise économique qui l’a frappée dès 2010.

De l’obstination,  elle semble en avoir aussi pour persister dans les mauvaises habitudes auxquelles l’Union et ses institutions se complaisent, notamment et y compris en matière linguistique.

Une vision partagée de la marche de l’ELSJ et de ses priorités, c’est moins certain. Lire la suite

Quand le droit de l’Union complète heureusement la Convention de Genève, précisions jurisprudentielles sur la clause d’exclusion de la directive « Qualification » (CJUE, Grande Chambre, 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott et autres, C-364/11)

par Joanna Pétin, CDRE

Après avoir éclairci la portée du devoir de coopération et du droit d’être entendu en matière d’asile (CJUE, 22 novembre 2012, M.M., C-277/11, annoté ici), les juges de l’UE ont eu à connaitre à nouveau, le 19 décembre dernier, des dispositions de la directive “Qualification” (remplacée aujourd’hui par la directive 2011/95 du 13 décembre 2011). S’il s’agissait en l’espèce de traiter de la « clause d’exclusion » du statut de réfugié contenue en son article 12§1, l’arrêt du 19 décembre 2012, Abed El Karem El Kott et autres (C-364-11) a fourni l’occasion, s’il en était encore besoin, de rappeler que la Convention de Genève demeure la pierre angulaire du régime d’asile européen commun (points 42 de l’arrêt). Lire la suite

Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux : pour la Cour européenne des droits de l’Homme, l’un ne va pas sans l’autre

par Sylvie Peyrou, CDRE

« We have to be clear that promoting human rights is one of our most effective means to counter terrorism » (« Counter-terrorism and human rights », V. Sovndal, G. de Kerchove, B. Emerson, in European Voice, 19.03.2012) : telle devrait être la leçon que les Etats en lutte contre le terrorisme devraient retenir de l’emblématique arrêt El Masri c. ex-République yougoslave de Macédoine rendu le 13 décembre 2012 (req. 39630/09) par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Cette tragique affaire permet à la Cour d’apporter une contribution de poids à la reconnaissance du « droit à la vérité » (réclamé notamment par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations-Unies), en portant au grand jour la complicité de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme menée par la CIA au mépris des règles les plus élémentaires de respect et de protection des droits fondamentaux (arrestations et détentions illégales, interrogatoires et extraditions extrajudiciaires). Lire la suite

La portée du droit d’être entendu lors d’une demande de protection subsidiaire : confirmation de la prééminence des droits fondamentaux dans le système européen d’asile commun, CJUE, 22 novembre 2012, M.M., C-277/11

par Joanna Petin, CDRE

Les juges de Luxembourg ont à nouveau été amenés, le 22 novembre dernier, à éclaircir les dispositions du système européen commun d’asile, et plus particulièrement le devoir de coopération établi par la directive 2004/83, dite directive « Qualification » aujourd’hui remplacée par la directive 2011/95 du 13 décembre 2011, et le droit d’être entendu au cours de la procédure de demande de protection internationale. Dans son arrêt M.M. (CJUE, 22 novembre 2012, M.M., C-277-11), le juge de l’Union continue son oeuvre patiente de mise en cohérence des règles du régime commun d’asile. Lire la suite